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ASCANIO.

impossible, de lui permettre au moins d’aller rejoindre sa mère.

Quant à Ascanio, son existence n’était pas moins troublée que l’existence de celle qu’il aimait. Vingt fois depuis le moment où Raimbault lui avait signifié l’ordre qui lui interdisait l’entrée de l’hôtel de Nesle, le matin avant que personne fût levé, le soir quand tout le monde dormait, il allait rêver autour de ces hautes murailles qui le séparaient de sa vie. Mais pas une seule fois, soit ostensiblement, soit furtivement, il n’avait essayé de pénétrer dans ce jardin défendu. Il y avait encore en lui ce respect virginal des premières années qui défend la femme qu’on aime contre l’amour même qu’elle aurait plus tard à redouter.

Mais cela n’empêchait pas Ascanio, tout en ciselant son or, tout en encadrant ses perles, tout en enchâssant ses diamans, de faire bien des rêves insensés, sans compter ceux qu’il faisait dans ses promenades du matin et du soir ou dans le sommeil agité de ses nuits. Or, ces rêves se portaient surtout sur le jour, tant redouté d’abord et tant désiré maintenant par lui, où Benvenuto devait se rendre maître de l’hôtel de Nesle, car Ascanio connaissait son maître, et toute cette apparente tranquillité était celle de volcan qui couve une éruption. Cette éruption, Cellini avait annoncé qu’elle aurait lieu le dimanche suivant ; Ascanio ne faisait donc aucun doute que le dimanche suivant Cellini n’eût accompli son projet.

Mais ce projet, autant qu’il en avait pu juger dans ses courses autour du Séjour de Nesle, ne s’accomplirait pas sans obstacle, grâce à la garde continuelle qui se faisait sur ses murailles ; Ascanio avait remarqué dans l’hôtel de Nesle tous les signes d’une place de guerre. S’il y avait at-