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ASCANIO.

et des cordes, et l’on se mit en marche, non pas en corps d’armée, mais deux à deux, et à d’assez longues distances pour ne pas attirer l’attention.

Ce n’est pas qu’un coup de main fût chose plus rare dans ces temps-là que ne l’est de nos jours une émeute ou un changement de ministère ; mais, à vrai dire, on ne choisissait pas ordinairement le saint jour du dimanche ni l’heure de midi pour se livrer à ces sortes de récréations, et il fallait toute l’audace de Benvenuto Cllini, soutenue d’ailleurs par le sentiment de son bon droit, pour risquer une tentative pareille.

Donc, les uns après les autres nos héros arrivèrent à l’église des Grands-Augustins, et après avoir déposé leurs armes et leurs outils chez le sacristain, qui était un ami de Simon-le-Gaucher, ils allèrent pieusement assister au saint sacrifice de la messe, et demander à Dieu la grâce d’exterminer le plus de hoquetons possibles.

Cependant nous devons dire que malgré la gravité de la situation, malgré sa dévotion insigne et malgré l’importance des prières qu’il avait à adresser au Seigneur, Benvenuto, à peine entré dans l’église, donna des marques d’une singulière distraction ; c’est qu’un peu derrière lui, mais du côté de la nef opposée, une jeune fille d’un si adorable visage lisait dans un missel enluminé, qu’elle eût vraiment dérangé l’attention d’un saint et à plus forte raison celle d’un sculpteur. L’artiste, dans cette circonstance, gênait étrangement le chrétien. Aussi, le bon Cellini ne put se tenir de faire partager son admiration, et comme Catherine, qui était à sa gauche, eût sans doute montré trop de sévérité pour les distractions de maître Benvenuto, il se retourna vers Ascanio, qui était à sa droite,