Page:Dumas, Ascanio, 1860.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
179
ASCANIO.

avaient refleuri en même temps, et comme Benvenuto avait repris son œuvre d’artiste, elle avait paisiblement repris, elle, sa joyeuse humeur, son bavardage, sa curiosité de commère, en un mot l’exercice de toutes les qualités domestiques.

Dame Perrine allant donc à la provision était obligée de traverser la cour commune aux deux propriétés, car la porte nouvelle du Petit-Nesle n’était pas percée encore. Or, et par le plus grand hasard du monde, il se trouva que Ruberta, la vieille servante de Benvenuto, sortait précisément à la même minute pour aller chercher le dîner de son maître. Ces deux estimables personnes étaient bien trop dignes l’une de l’autre pour entrer dans les inimitiés de leurs patrons. Elles tirent donc route ensemble avec le plus touchant accord, et comme le chemin est moins long de moitié quand on cause, elles causèrent.

Ruperta commenca par s’informer auprès de dame Perrine du prix des denrées et du nom des marchands du quartier, puis elles passèrent à des sujets de conversation plus intimes et plus intéressans.

— Votre maître est donc un bien terrible homme ? demanda dame Perrine.

— Lui ! quand vous ne l’offensez pas, il est doux comme un Jésus ; pourtant, dame ! quand on ne fait pas ce qu’il désire, je dois convenir qu’il n’est pas facile ; il aime beaucoup, mais beaucoup à ce qu’on fasse ce qu’il veut. C’est sa manie, et du moment qu’il s’est mis quelque chose dans la tête, les cinq cents mille diables de l’enfer ne le lui ôteraient pas : d’ailleurs on le mène comme un enfant si on fait semblant de lui obéir, et il est même très agréable de paroles. Il faut l’entendre me dire : « Dame Ruperta (il