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ASCANIO.

dont on se souvient toute la vie. Ces deux beaux enfans, si bien faits l’un pour l’autre et qui s’appartenaient si bien d’avance, n’avaient qu’à étendre leurs mains pour les unir, et il semblait qu’il y eût entre eux un abîme.

À bout de quelques instans Colombe releva la tête.

— Vous pleurez ! s’écria-t-elle avec un élan plus fort que sa volonté

— Je ne pleure pas, répondit Ascanio on se laissant tomber sur le banc ; mais portant les mains à sa figure, il les retira mouillées de larmes.

— C’est vrai, dit-il, je pleure.

— Pourquoi ? qu’avez-vous ? Je vais appeler quelqu’un. Souffrez-vous ?

— Je souffre d’une pensée.

— Et laquelle ?

— Je me dis qu’il eût peut-être mieux valu pour moi de mourir l’autre jour.

— Mourir ! Quel âge avez-vous donc pour parler ainsi mourir ?

— Dix-neuf ans ; mais l’âge du malheur devrait être l’âge de la mort !

— Et vos parens qui pleureraient à leur tour ! continua Colombe avide à son insu de pénétrer dans le passé de cette vie dont elle sentait confusément que tout l’avenir serait à elle.

— Je suis sans mère et sans père, et nul ne me pleurerait, si ce n’est mon maître Benvenuto.

— Pauvre orphelin !

— Oui, bien orphelin, allez 1 Mon père ne m’a jamais aimé, et j’ai perdu ma mère à dix ans, quand j’allais comprendre son amour et le lui rendre. Mon père !… Mais de