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ASCANIO.

quoi vais-je vous parler, et qu’est-ce que cela vous fait mon père et ma mère, à vous ?

— Oh ! si. Continuez, Ascanio.

— Saints du ciel ! vous vous rappelez mon nom.

— Continuez, continuez, murmura Colombe en cachant à son tour la rougeur de son front dans ses deux mains.

— Mon père donc était orfèvre, et ma bonne mère était elle-même la fille d’un orfèvre de Florence appelé Raphaël del Moro, d’une noble famille italienne ; car en Italie, dans nos républiques, le travail ne déshonore pas, et vous verriez plus d’un ancien et illustre nom sur l’enseigne d’une boutique. Ainsi, mon maître Cellini par exemple, est noble comme le roi de France, si ne n’est encore davantage. Raphaël del Moro, qui était pauvre, maria sa fille Stephana malgré elle à un confrère presque du même âge que lui, mais qui était riche. Hélas ! ma mère et Benvenuto Cellini s’étaient aimés, mais tous deux étaient sans fortune. Benvenuto courait le monde pour se faire un nom et gagner de l’or. Il était loin : il ne put s’opposer à cette union, Gismondo Gaddi, c’était le nom de mon père, quoiqu’il n’eût jamais su qu’elle en aimait un autre, se mit hélas à haïr sa femme parce que sa femme ne l’aimait pas. C’était un homme violent et jaloux, mon père. Qu’il me pardonne si je l’accuse, mais la justice des enfans a une mémoire implacable. Bien souvent ma mère chercha contre ses brutalités près de mon berceau un asile qu’il ne respectait pas toujours. Parfois il la frappait, pardonnez-lui, mon Dieu ! tandis qu’elle me tenait dans ses bras, et à chaque coup, pour, le moins sentir, ma mère me donnait un baiser. Oh ! je me souviens à la fois, par un double retentissement de