Page:Dumas, Ascanio, 1860.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
191
ASCANIO.

mon cœur, des coups que recevait ma mère et des baisers qu’elle me donnait

Le Seigneur, qui est juste, atteignit mon père dans ce qu’il avait de plus cher au monde, dans sa richesse. Plusieurs banqueroutes l’accablèrent coup sur coup. Il mourut de douleur parce qu’il n’avait plus d’argent, et ma mère, quelques jours après, mourut parce qu’elle croyait n’être plus aimée.

Je restai seul au monde. Les créanciers de mon père vinrent saisir tout ce qu’il laissait, et en furetant partout pour voir s’ils n’oubliaient rien, ils ne virent pas un petit enfant qui pleurait. Une ancienne servante qui m’aimait me nourrit deux jours par charité, mais la vieille femme vivait de charités elle-même, et n’avait pas trop de pain pour elle.

Elle ne savait que faire de moi, quand un homme couvert de poussière entra dans la chambre, me prit dans ses bras, m’embrassa en pleurant, et après avoir donné quelque argent à la bonne vieille, m’emmena avec lui. C’était Benvenuto Cellini, qui était venu de Rome à Florence exprès pour me chercher. Il m’aima, m’instruisit dans son art, me garda toujours auprès de lui, et je vous le dis, lui seul pleurerait ma mort.

Colombe avait écouté, la tête baissée et le cœur serré, l’histoire de cet orphelin qui, pour l’isolement, était son histoire, et la vie de cette pauvre mère qui serait peut être un jour sa vie ; car elle aussi elle devait épouser par contrainte un homme qui la haïrait parce qu’elle ne l’aimerait pas.

— Vous êtes injuste envers Dieu, dit-elle à Ascanio ; quelqu’un du moins, votre bon maître, vous aime, et vous