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ASCANIO.

Ne s’agit-il pas de guérir ce jeune homme d’une blessure qu’il a reçue pour nous, enfin ? Et voyez-vous, dame Ruperte, s’il n’a pas déjà meilleure mine et s’il n’est pas moins pâle qu’en venant ici ?

— C’est vrai, affirma dame Ruperte, il n’a jamais eu en bonne santé de plus vives couleurs.

— Réfléchissez, Colombe, continua Perrine, que ce serait un meurtre d’empêcher une convalescence si bien commencée. Allons, la fin sauve les moyens. Vous me laissez, n’est-ce pas, lui permettre de venir demain à la brune ? Pour vous-même ce sera une distraction, mon enfant ; distraction bien innocente. Dieu merci ! puis nous sommes là, dame Ruperte et moi. En vérité, je vous déclare que vous avez besoin de distraction, Colombe. Et qui est ce qui ira dire à messire le prévôt qu’on a un peu adouci la rigueur de ses ordres ? D’ailleurs, avant sa défense, vous aviez autorisé Ascanio à venir vous montrer des bijoux, et il les a oubliés aujourd’hui, il faut bien qu’il les apporte demain.

Colombe regarda Ascanio ; il était devenu pâle et attendait sa réponse avec angoisse.

Pour une pauvre jeune fille tyrannisée et captive, cette humilité contenait une immense flatterie. Il y avait donc au monde quelqu’un qui dépendait d’elle et dentelle faisait le bonheur et la tristesse avec un mot ! Chacun aime son pouvoir. Les airs impudens du comte d’Orbec avaient récemment humilié Colombe. La pauvre prisonnière, pardonnez-lui : ne résista pas à l’envie de voir un éclair de joie briller dans les yeux d’Ascanio, et elle dit en rougissant et en souriant :

— Dame Perrine, que me faites-vous faire là ?