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ASCANIO.

chère déesse, pardonnez à cet insensé pour l’amour de moi !

— Insensé ! reprit Anne en murmurant.

— Oh ! insensé sublime, c’est vrai, dit François Ier, je l’ai vu hier et il m’a promis des merveilles. C’est un homme qui n’a pas, je crois, de second dans son art, et qui me glorifiera dans l’avenir autant qu’André del Sarto, Titien et Léonard de Vinci. Vous savez combien j’aime mes artistes, ma duchesse chérie, soyez donc favorable et indulgente à celui-là, je vous en conjure. Eh ! mon Dieu ! giboulée d’avril, caprice de femme et boutade d’artiste ont, selon moi, plus de charme que d’ennui. Voyons, pardonnez-vous à ce qui me plaît, vous que j’aime.

— Je suis votre servante et je vous obéirai, sire.

— Merci. En échange de cette grâce que m’accorde la bonté de la femme, vous pouvez requérir tel don qu’il vous plaira de la puissance du prince. Mais, hélas ! voici que le jour grandit, et il faut vous quitter. Il y a encore conseil aujourd’hui. Quel ennui ! Ah ! mon frère Charles-Quint me rend bien rude le métier de roi. Il met la ruse à la place de la chevalerie, la plume à la place de l’épée ; c’est une honte. Je crois, foi de gentilhomme ! qu’il faudra inventer de nouveaux mots pour nommer toute cette science et toute cette habileté de gouvernement. Adieu, ma pauvre bien-aimée, je vais tâcher d’être fin et adroit. Vous êtes bien heureuse, vous, de n’avoir qu’a rester belle, et que le ciel ait tout fait pour cela. Adieu, ne vous levez pas, mon page m’attend dans l’antichambre. Au revoir, et pensez à moi.

— Toujours, sire.

Et lui jetant de la main un dernier adieu, François Ier