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ASCANIO.

souleva la tapisserie et sortit laissant seule la belle duchesse, qui, fidèle à sa promesse, se mit sur-le-champ, il faut le dire, à penser à tout autre chose qu’à lui.

C’est que madame d’Étampes était une nature active, ardente, ambitieuse. Après avoir vivement cherché et vaillamment conquis l’amour du roi, cet amour ne suffît plus bientôt à l’inquiétude de son esprit, et elle commença à s’ennuyer. L’amiral Brion et le comte de Longueval qu’elle aima quelque temps, Diane de Poitiers qu’elle détesta toujours, ne l’occupaient pas assez puissamment ; mais depuis huit jours, le vide qu’elle sentait dans son esprit s’était un peu rempli, et elle avait recommencé à vivre, grâce à une nouvelle haine et à un nouvel amour. Elle haïssait Cellini et elle aimait Ascanio, et c’est à l’un et à l’autre qu’elle songeait, tandis que ses femmes achevaient de l’habiller.

Comme il ne restait plus qu’à la coiffer, on annonça le prévôt de Paris et le vicomte de Marmagne.

Ils étaient au nombre des plus dévoués partisans de la duchesse, dans les doux camps qui s’étaient formés à la cour entre la maîtresse du Dauphin, Diane de Poitiers, et elle. Or, on accueille bien les amis quand on pense à son ennemi. Ce fut donc avec une grâce infinie que madame d’Étampes donna sa main à baiser au prévôt refrogné et au souriant vicomte.

— Messire le prévôt, dit-elle avec une colère qui n’avait rien de joué, et une compassion qui n’avait rien d’injurieux, nous avons appris l’odieuse façon dont ce rustre italien vous a traité, vous, notre meilleur ami, et nous en sommes encore indignée.

— Madame, répondit d’Estourville, faisant une flatterie même de son revers, j’aurais été honteux que mon âge et