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ASCANIO.

rire, qui me font trembler ; des amours terribles, insensés, impossibles comme des rêves

— Oh ! mon Dieu, pensa Ascanio, aurait-il appris quelque chose de ma folle passion pour Colombe !

— Ceux-là, continua Cellini, ne donnent ni le plaisir ni le bonheur, et cependant ils vous prennent tout entier ; ce sont des vampires qui boivent lentement toute votre existence, qui dévorent peu à peu votre âme ; ils vous tiennent fatalement dans leurs serres, et on ne peut plus s’en arracher. Ascanio, Ascanio, crains-le. On voit bien que ce sont des chimères et qu’on ne peut rien gagner avec eux, et pourtant on s’y livre corps et âme, et on leur abandonne ses jours presque avec joie.

— — C’est cela ! il sait tout ! se dit Ascanio.

— Cher fils, poursuivit Benvenuto, s’il en est temps encore, brise ces liens qui t’enchaîneraient à jamais : tu en porteras la marque, mais tâche au moins de leur dérober ta vie.

— Et qui vous a donc dit que je l’aimais ? demanda l’apprenti.

— Si tu ne l’aimes pas. Dieu soit loué ! dit Benvenuto, qui crut qu’Ascanio niait quand il ne faisait qu’interroger. Mais alors prends bien garde, car j’ai vu ce matin qu’elle t’aimait, elle.

— Ce matin ? De qui donc parlez-vous ? que voulez-vous dire ?

— De qui je parle ? de madame d’Étampes.

— Madame d’Étampes ! reprit l’apprenti stupéfait. Mais vous vous trompez, maître, c’est impossible. Vous dites que vous avez vu que madame d’Étampes m’aimait ?

— Ascanio, j’ai quarante ans, j’ai vécu et je sais. Aux