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ASCANIO.

Ruperte, dont il laissait les mille questions sans réponse. Parfois, cependant, il se repentait des résolutions du premier jour, cruelles pour lui seul, assurément. Il voulait voir Colombe, lui demander compte, mais de quoi ? de ses extravagantes visions à lui-même ! Enfin, il la verrait, pensait-il dans ses momens d’attendrissement ; il lui avouerait cette fois son amour comme un crime, et elle était si bonne qu’elle l’en consolerait peut-être comme d’un malheur. Mais comment revenir sur son absence, comment s’excuser aux yeux de la jeune fille ?

Ascanio, au milieu de ses naïves et douloureuses réflexions, laissait se consumer le temps et n’osait prendre un parti.

Colombe attendit Ascanio avec épouvante et joie le lendemain du jour où dame Perrine avait accablé l’apprenti de sa terrible révélation ; mais elle compta en vain les heures et les minutes ; en vain dame Perrine se tint aux écoutes : Ascanio, qui, revenu à temps de son évanouissement, aurait pu profiter de la gracieuse permission de Colombe, ne vint pas, accompagné de Ruperte, frapper les quatre coups convenus à la porte du Petit-Nesle. Qu’est-ce que cela voulait dire ?

Cela voulait dire qu’Ascanio était malade, mourant peut-être, trop mal enfin pour pouvoir venir. C’est du moins ce que pensait Colombe ; elle passa toute la soirée agenouillée à son prie-dieu, pleurant et priant, et quand elle eut cessé de prier, elle s’aperçut qu’elle pleurait encore. Cela lui fit peur. Cette anxiété qui lui serrait le cœur fut pour elle une révélation. En effet, il y avait de quoi s’effrayer, car, en moins d’un mois, Ascanio s’était rendu maître de sa pensée