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ASCANIO.

d’un petit ton pas très fâché et assez encourageant. Quand il verra que je ne suis plus sévère, il se croira le vainqueur du monde. Et vous, que lui ferez-vous, Benvenuto ? Quand commencerez-vous à vous venger de lui ? Sera-ce bien long ? bien amusant ? rirons-nous ?

— Nous rirons, répondit Benvenuto.

— Et vous m’aimerez toujours ?

Benvenuto lui donna sur le front un baiser affirmatif, c’est-à-dire la meilleure des réponses, attendu qu’elle répond à tout et ne répond à rien.

La pauvre Scozzone ne se doutait pas que le baiser de Cellini était le commencement de sa vengeance.

Le vicomte de Marmagne, selon ses vœux, trouva Benvenuto seul. Voici comment la chose arriva.

Aiguillonné par la colère du prévôt, excité par le souvenir des mépris de madame d’Étampes et surtout piqué par l’éperon de sa furieuse avarice, le comte, déterminée aller attaquer avec l’aide de ses deux sbires le lion dans son antre, avait choisi pour cette expédition le jour de la Saint-Éloi, fête de la corporation des orfèvres, moment où l’atelier devait être désert. Il cheminait donc sur le quai, la tête haute, le cœur palpitant, ses deux bravi marchant à dix pas derrière lui.

— Voilà, dit une voix à ses côtés, un beau jeune seigneur qui s’en va en conquête amoureuse, avec sa vaillante mine pour sa dame, et ses deux sbires pour le mari.

Marmagne se retourna, croyant que quelqu’un de ses amis lui adressait la parole, mais il ne vit qu’un inconnu qui suivait la même route que lui, et que dans sa préoccupation il n’avait point aperçu.

— Je gage que j’ai trouvé la vérité, mon gentilhomme,