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ASCANIO.

mourir en ce temps-là, qu’en revanche on ne s’inquiétait guère de tuer ; nous sommes encore braves aujourd’hui, nous ; eux étaient téméraires alors ; nous sommes des hommes faits, ils étaient des jeunes gens. La vie était si abondante à cette époque qu’on la perdait, qu’on la donnait, qu’on la vendait, qu’on la prenait avec une profonde insouciance et une parfaite légèreté.

Il fut un écrivain longtemps calomnié, avec le nom duquel on a fait un synonyme de traîtrise, de cruauté, de tous les mots enfin qui veulent dire infamie, et il a fallu le dix-neuvième siècle, le plus impartial des siècles qu’a vécus l’humanité, pour réhabiliter cet écrivain, grand patriote et homme de cœur ! Et pourtant, le seul tort de Nicolas Machiavel est d’avoir appartenu à une époque où la force et le succès étaient tout ; où l’on estimait les faits et non les mots, et où marchaient droit à leur but, sans souci aucun des moyens et des raisonnemens, le souverain, César Borgia ; le penseur, Machiavel ; l’ouvrier, Benvenuto Cellini.

Un jour on trouva sur la place de Cesena un cadavre coupé en quatre quartiers ; ce cadavre était celui de Ramiro d’Orco. Or, comme Ramiro d’Orco était un personnage tenant son rang en Italie, la république florentine voulut savoir les causes de cette mort. Les huit de la seigneurie firent donc écrire à Machiavel, leur ambassadeur, afin qu’il satisfît leur curiosité.

Mais Machiavel se contenta de répondre :

« Magnifiques Seigneurs,

» Je n’ai rien à vous dire sur la mort de Ramiro d’Orco,