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ASCANIO.

important en pareille occurence que Benvenuto ne s’oubliât point lui-même, et voilà pourquoi il était résolu à fuir sans attendre les interrogatoires et jugemens qui auraient bien pu n’arriver jamais, car le pape, irrité de l’intervention du roi François I er, ne voulait plus même entendre prononcer le nom de Benvenuto Cellini. Le prisonnier savait tout cela par Ascanio, qui tenait sa boutique, et qui, à force d’instances, avait obtenu la permission de visiter son maître ; bien entendu que ces visites se faisaient à travers deux grilles et en présence de témoins qui veillaient à ce que l’élève ne passât au maître ni lime, ni corde, ni couteau.

Aussi du moment où le gouverneur avait fait refermer la porte de sa chambre derrière Benvenuto, lui, Benvenuto s’était mis à faire l’inspection de sa chambre.

Or, voici ce que contenaient les quatre murs de son nouveau logement : un lit, une cheminée où l’on pouvait faire du feu, une table et deux chaises ; deux jours après Benvenuto obtint de la terre et un outil à modeler. Le gouverneur avait refusé d’abord ces objets de distraction à son prisonnier, mais il s’était ravisé en réfléchissant qu’en occupant l’esprit de l’artiste il le détournerait peut-être de cette tenace idée d’évasion dont il avait paru possédé ; le même jour Benvenuto ébaucha une Vénus colossale.

Tout cela n’était pas grand’chose ; mais en y ajoutant l’imagination, la patience et l’énergie, c’était beaucoup.

Un jour de décembre qu’il faisait très froid et qu’on avait allumé du feu dans la cheminée de Benvenuto Cellini, on vint changer les draps de son lit et l’on oublia les draps sur la seconde chaise ; aussitôt que la porte fat refermée, Benvenuto ne fit qu’un bond de sa chaise à son grabat, tira