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ASCANIO.

les gens de monseigneur en fuite, et avait été payé le lendemain par le cardinal.

— Tout cela, sire, c’est l’exacte vérité.

— Eh bien ! n’êtes-vous pas ce Cellini ?

— Oui, sire, que Votre Majesté me conserve seulement ses bonnes grâces, et rien n’est capable de m’épouvanter.

— Allez donc droit devant vous, fit le roi en souriant dans sa barbe, allez donc, puisque vous êtes gentilhomme. Madame d’Étampes se tut, mais elle jura de ce moment à Cellini une haine mortelle, une haine de femme offensée.

— Sire, une dernière faveur, dit encore Cellini. Je ne puis vous présenter tous mes ouvriers : ils sont dix, tant Français qu’Allemands, tous braves et habiles compagnons ; mais voici mes deux élèves que j’ai amenés d’Italie avec moi, Pagolo et Ascanio. Avancez donc, Pagolo, et relevez un peu la tête et le regard, non pas impudemment, mais en honnête homme, qui n’a à rougir d’aucune action mauvaise. Celui-ci manque peut-être d’invention, sire, et un peu aussi d’ardeur, mais c’est un exact et consciencieux artiste, qui travaille lentement, mais bien, qui conçoit parfaitement mes idées et les exécute fidèlement. Voici maintement Ascanio, mon noble et gracieux élève, et mon enfant bien-aimé. Celui-là n’a pas sans doute la vigueur de création qui fera se heurter et se déchirer dans un bas-relief les bataillons de deux armées, ou s’attacher puissamment aux bords d’un vase les griffes d’un lion ou les dents d’un tigre. Il n’a pas non plus la fantaisie originale qui invente les monstrueuses chimères et les dragons impossibles ; non, mais son âme, qui ressemble à son corps, a l’instinct d’un idéal, pour ainsi parler, divin. Demandez-lui de vous poser un ange ou de vous grouper des nymphes,