Page:Dumas - Œuvres - 1838, vol.2.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
STEINBERG, à Ebba.

Un mot, madame. Auprès de notre souveraine
Restez-vous ?

EBBA.

Restez-vous ? Oui, monsieur, partout je suis la reine.

STEINBERG.

Bien.

EBBA.

Bien. Mais quel intérêt de savoir où j’irai
Avez-vous ?

STEINBERG.

Un très-grand.

OXENSTIERN, descendant et baisant la main de Christine.

Ma fille, j’en mourrai.

(Tout le monde sort. Christine reste en haut des degrés du trône, Monaldeschi en bas ; on entend au dehors la foule crier.)
LE PEUPLE.

Vive le roi !

CHRISTINE.

Vive le roi ! La foule à son tour l’environne.
On dit vive le roi ! — C’est vive la couronne
Qu’il faudrait dire. — Eh bien ! à quoi donc pensons-nous ?
C’est Christine, marquis, la reconnaissez-vous ?

MONALDESCHI.

Oh ! madame.

CHRISTINE.

Oh ! madame. La reine aux cieux est remontée ;
Mais la femme qui t’aime est près de toi restée.
Mon diadème d’or contrariait tes vœux
Quand tu voulais passer ta main dans mes cheveux.

MONALDESCHI.

Oui, vous m’avez compris, et je vous en rends grâce…

(À part.)

Qui m’eût dit que j’aurais envié ta disgrâce,
Magnus de La Gardie !

CHRISTINE.

Magnus de La Gardie ! Allons, marquis, adieu !
Vous savez que se vont rassembler en ce lieu
Ceux qui suivent mon sort malheureux ou prospère ;
Je n’aurai pas besoin de vous presser, j’espère.

(Christine rentre, Monaldeschi lui baise la main, et en se retournant aperçoit Paula.)

Scène VII.

MONALDESCHI, PAULA.
MONALDESCHI.

Paula !… rêvé-je donc !… Paula, que faites-vous
Ici ?

PAULA.

Ici ? J’attends qu’on parte.

MONALDESCHI.

Ici ? J’attends qu’on parte. Et tu pars avec nous ?

PAULA.

Oui.

MONALDESCHI.

Tu pars !

PAULA.

Tu pars ! Oui.

MONALDESCHI.

Tu pars ! Oui. Tu pars, dis-tu ?

PAULA.

Tu pars ! Oui. Tu pars, dis-tu ? Je pars, te dis-je.
T’accompagner en France est-ce donc un prodige ?

MONALDESCHI.

Par ordre de la reine, avec elle, Paula,
Ses gens seuls partiront.

PAULA.

Ses gens seuls partiront. Hé bien donc, me voila !
Puisqu’il faut qu’à quelqu’un toujours je m’asservisse,
D’aujourd’hui pour le sien j’ai quitté ton service ;
Voilà tout. — Ah ! tu crois qu’on peut impunément
Trahir qui nous a cru sur la foi du serment ;
Qu’à sa suite l’on peut traîner la jeune fille
Qui pour nous a perdu pays, honneur, famille,
La livrer au mépris de ce monde insultant,
Et qu’elle s’en ira quand on dira : Va-t’en !
Oh ! que non pas ! — Je suis l’ombre de ta maîtresse ;
Comme un remords vivant devant toi je me dresse.
Marquis, tu m’as fait prendre un chemin hasardeux,
Mais, quelque part qu’il mène, il nous mène tous deux ;
Quelque part que tes yeux se détournent, mon ombre
Toujours à l’horizon passera triste et sombre,
Et sur la tombe ouverte au bout de ton chemin,
Tu me retrouveras pour te donner la main. —
C’est bien : — de ton stylet tourmente la poignée ;
Mais lorsque par la mort tu m’auras éloignée,
Tes soins seront sanglants et seront superflus,
Tu me sentiras là, quoique je n’y sois plus ;
Et mieux vaut voir sortir, crois-moi, quand la nuit tombe,
Un poignard du fourreau qu’un spectre d’une tombe.
Tu pensais que mon cœur, comprimé par l’effroi,
N’oserait éclater…

MONALDESCHI, apercevant Sentinelli qui entre.

N’oserait éclater… Sentinelli ! — Tais-toi.


Scène VIII.

Les précédents ; SENTINELLI, puis STEINBERG et EBBA, puis CHRISTINE.
SENTINELLI.

Vous êtes prêt, marquis ?

MONALDESCHI.

Vous êtes prêt, marquis ? Oui, comte.

SENTINELLI.

Vous êtes prêt, marquis ? Oui, comte. Bien.

MONALDESCHI.

Vous êtes prêt, marquis ? Oui, comte. Bien. Sans doute,
Vous venez avec nous ?

SENTINELLI.

Vous venez avec nous ? Certes, sans qu’il m’en coûte ;
Et ce n’est point à vous à le trouver mauvais :
Nous sommes vieux amis : où vous allez je vais.