Page:Dumas - Œuvres - 1838, vol.2.djvu/142

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Nous exécuterons l’arrêt d’un jugement.
Vous comprenez ?

LANDINI.

Vous comprenez ? Si bien que tous pouvez à d’autres
Vous adresser ; pour moi je ne suis pas des vôtres.

CLAUTER.

Ni moi…

SENTINELLI.

Ni moi… Votre courage est donc évanoui ?

CLAUTER.

Non ; mais nous refusons.

SENTINELLI.

Non ; mais nous refusons. Ah ! vous refusez ?

LANDINI.

Non ; mais nous refusons. Ah ! vous refusez ? Oui.

SENTINELLI.

Comment ! vous, Landini, si fameux duelliste !
Mais ce n’est qu’un de plus à joindre à votre liste.

LANDINI.

Oh !… ce n’est point ici, maître, le même cas.

SENTINELLI.

Non, vous tuez gratis, et j’offre cent ducats.

LANDINI.

L’or que le meurtrier reçoit pour son salaire
Porte souvent malheur, ou ne profite guère.

SENTINELLI.

À tort j’ai donc compté sur votre dévoûment ?
Voyons, réfléchissez…

CLAUTER.

Voyons, réfléchissez… Non, bien décidément,
Nous ne pouvons…

SENTINELLI.

Nous ne pouvons… Allez me chercher Maudeville.

CLAUTER.

Maudeville !

LANDINI.

Maudeville ! Comment ?

SENTINELLI.

Maudeville ! Comment ? Il sera plus docile.
En scrupules sans doute il n’est pas si fécond,
Et se chargera bien de trouver un second.

LANDINI, à Clauter.

Dis donc : s’il doit périr, nous pouvons, je le pense,
Tout aussi bien que lui gagner la récompense.

CLAUTER.

Sans doute… Quant à moi, je ne souffrirai pas
Qu’à notre détriment il touche cent ducats…

LANDINI.

Voyons ! doit-il périr ?

SENTINELLI.

Voyons ! doit-il périr ? Sa mort est décidée.

LANDINI.

Rien ne peut le sauver ?

SENTINELLI.

Rien ne peut le sauver ? Rien.

CLAUTER.

Rien ne peut le sauver ? Rien. Nous changeons d’idée.

SENTINELLI.

Vous acceptez ?

TOUS LES DEUX.

Vous acceptez ? Oui.

SENTINELLI.

Vous acceptez ? Oui. Bien.

CLAUTER, à Landini.

Vous acceptez ? Oui. Bien. À propos, compagnon,
Nous avons oublié de demander son nom.

LANDINI.

Ah ! oui, son nom ?

SENTINELLI.

Ah ! oui, son nom ? Son nom ?… — Monaldeschi.

LANDINI.

Ah ! oui, son nom ? Son nom ?… — Monaldeschi. Cet homme,
J’en ai peur, capitaine, a des amis à Rome…

SENTINELLI.

Vous aurez cent ducats, et vous serez absous.

LANDINI.

Un ducat vaut, je crois, quatre livres dix sous :
Cent ducats feront donc quatre cents…

CLAUTER.

Cent ducats feront donc quatre cents… Eh ! qu’importe ?
Tout ce que je sais, moi, c’est que la somme est forte.
Laisse là tes calculs ; lorsque nous la tiendrons,
Bien plus facilement nous la calculerons.
Ah çà ! sur votre honneur, vous répondez des suites ?

SENTINELLI.

J’en réponds.

CLAUTER.

J’en réponds. On n’a pas à craindre de poursuites ?

SENTINELLI.

Aucune, et cent ducats…

CLAUTER.

Aucune, et cent ducats… Sur nous on peut compter.

SENTINELLI.

Je me chargerai seul du soin de l’arrêter.
Tenez-vous là, messieurs !

(Il les place de chaque côté de la porte.)
(Tirant son épée et la faisant plier.)

Tenez-vous là, messieurs ! Allons, ma bonne épée,
Prouvons-lui que ta lame à Tolède est trempée.
Grâce à toi j’ai souvent écarté le trépas :
Qu’aujourd’hui ton acier ne me trahisse pas !…

(Il entre chez Monaldeschi.)

Scène VI.

CLAUTER et LANDINI de chaque côté de la porte ; le père LEBEL et GULRICK se présentent pour entrer.
CLAUTER.

On n’entre pas.

GULRICK.

On n’entre pas. Messieurs, j’ai des ordres contraires
Pour lui seul.

LANDINI.

Pour lui seul. Alors, soit.

LE PÈRE LEBEL, entrant chez la reine.

Pour lui seul. Alors, soit. Dieu vous garde, mes frères !

LANDINI, montrant le père Lebel.

Il en est.

CLAUTER.

Il en est. Landini, tu ne te doutais pas
Que du ciel aujourd’hui nous tombaient cent ducats.