Page:Dumas - Œuvres - 1838, vol.2.djvu/151

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Et la première alors je vous rappellerai.
Mais vous, que ferez-vous d’ici là ?

MONALDESCHI.

Mais vous, que ferez-vous d’ici là ? J’attendrai.

CHRISTINE.

Mais, fidèle à la foi que vous m’avez jurée,
Sans que jamais une autre…

MONALDESCHI.

Sans que jamais une autre… Oh ! vous m’êtes sacrée.

CHRISTINE.

Qu’ainsi soit donc…, marquis ; et quand vous reviendrez,
Peut-être de l’exil vous vous applaudirez. —
Mais je garde quelqu’un.

MONALDESCHI.

Mais je garde quelqu’un. Qui ?

CHRISTINE.

Mais je garde quelqu’un. Qui ? Paulo, ce jeune homme
Qui jadis à ma cour vous a suivi de Rome.
Nous parlerons de vous quelquefois…

MONALDESCHI, à part.

Nous parlerons de vous quelquefois… J’oubliais
Qu’un mot d’elle me perd… Paula, que je te hais !
Toujours sur mon chemin je t’aurai donc trouvée
Pour faire évanouir ma fortune rêvée !
Tu seras à Stockholm, comme à Fontainebleau,
Mon génie infernal… — Cet anneau, — cet anneau…

(Haut.)

Madame, permettez que, comme un témoignage
D’amitié, comme ancien souvenir, à ce page
Je renvoie un anneau longtemps par moi porté,
Et qu’il me demanda souvent.

CHRISTINE.

Et qu’il me demanda souvent. En vérité,
Marquis, ce souvenir est celui d’un bon maître.
À qui vous désirez, je le ferai remettre…

MONALDESCHI.

À l’instant !

CHRISTINE.

À l’instant ! À l’instant… Adieu, marquis… Sortez
Par cette galerie… Aux deux autres côtés
Vous ne trouveriez pas une si sûre voie.
Le comte vous attend et réclame sa proie.

(Au père Lebel.)

Mon père, en ce moment vos devoirs sont changés ;
Vous deviez préparer à la mort… protégez
Sa vie… Adieu !

MONALDESCHI, lui baisant la main.

Sa vie… Adieu ! Bientôt !

CHRISTINE, ouvrant la porte.

Sa vie… Adieu ! Bientôt ! Oui !… — Gulrick, qu’on appelle
Paulo ; — je veux le voir.

GULRICK.

Paulo ; — je veux le voir. Il est dans la chapelle,
Ici tout près… Il prie.

CHRISTINE.

Ici tout près… Il prie. Allez… — Oui, j’ai mieux fait.
Pourquoi punir de mort un crime sans effet,
Quand ce crime, m’eût-il ravi le diadème,
Ne me faisait qu’un tort que je me fais moi-même ?
Ce pouvoir qui de loin brille de tant d’appas,
Quand je le possédais, pour moi n’en avait pas ;
Et, sitôt que j’aurai ressaisi ma couronne,
Le dégoût sera là pour partager mon trône.

(À Paula qui entre.)

Venez.

PAULA.

Venez. Vous êtes seule ?

CHRISTINE.

Venez. Vous êtes seule ? Oui.

PAULA, cherchant des yeux.

Venez. Vous êtes seule ? Oui. Seule ?…

CHRISTINE.

Venez. Vous êtes seule ? Oui. Seule ?… Regardez…

PAULA.

Un prêtre est avec lui… Madame, vous gardez
Parfois à qui vous sert de sublimes spectacles.
Vous avez, je le vois, triomphé des obstacles ; —
C’est grand et beau.

CHRISTINE.

C’est grand et beau. Paulo, le marquis m’a remis
Cette bague pour vous.

PAULA, avec joie.

Cette bague pour vous. Ah ! donnez !

CHRISTINE.

Cette bague pour vous. Ah ! donnez ! J’ai promis
De vous le rendre… C’est l’anneau de votre maître.

PAULA.

Et vous avez voulu vous-même le remettre,
N’est-ce pas ? Je rends grâce à vos soins empressés ;
Oui, cet anneau m’est cher !

CHRISTINE.

Oui, cet anneau m’est cher ! Paulo, vous pâlissez ?

PAULA

Non. — Sois le bien venu, messager de la tombe.

(À Christine.)

Et maintenant sur vous que notre mort retombe ! —

CHRISTINE.

Sur moi, votre mort ?… Oh ! vous perdez la raison.
Qu’enfermait cet anneau, dites-moi ?

PAULA.

Qu’enfermait cet anneau, dites-moi ? Du poison.
Le marquis en mourant promit de me le rendre :
Cet anneau, grâce à vous, ne s’est pas fait attendre !

CHRISTINE.

Mais le marquis n’est point à la mort condamné ;
À l’exil seulement… Paulo, j’ai pardonné !
Et bientôt sur le trône, auprès de moi.

PAULA.

Et bientôt sur le trône, auprès de moi. L’infâme
Nous trahit toutes deux !

CHRISTINE.

Nous trahit toutes deux ! Toutes deux ?

PAULA.

Nous trahit toutes deux ! Toutes deux ? Je suis femme !

CHRISTINE.

Vous ? Oh ! malheur à lui ! car je devine tout.

(Ouvrant la porte du fond.)

Ici, comte ! venez, venez ! Courez au bout
De cette galerie… et joignez-y le traître…
Frappez… Pour vous tromper il vous dira peut-être
Que j’ai tout pardonné ; mais non… frappez toujours.
Il dira que c’est moi qui conservai ses jours ;
Non, non ! Que par ses pleurs ma colère abattue
Avait tout oublié ; non, non, non !… Frappe et tue !