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RICHARD DARLINGTON.

ront ta vue ; me promets-tu de les garder ?… Oui… Bonsoir… Ne travaille pas trop tard surtout.

(Elle sort.)
LE DOCTEUR.

Non, non, sois tranquille, une heure au plus.

(Il va à sa bibliothèque, en tire deux ou trois volumes et se met à lire. — On entend dans la rue une voiture qui arrive au grand galop ; lorsqu’elle est vis-à-vis de la fenêtre, une voix crie.)


Scène II.

LE DOCTEUR, ROBERTSON, UN POSTILLON.
ROBERTSON, en dehors.

Postillon ! postillon !…

LE POSTILLON, arrêtant la voiture.

Eh ?

ROBERTSON.

Descendez et frappez à cette fenêtre où il y a de la lumière.

LE POSTILLON.

Oui, notre maître.

LE DOCTEUR.

C’est ici.

LE POSTILLON, frappant à la fenêtre.

Holà ! ho !

LE DOCTEUR, ouvrant la fenêtre.

Qu’est-ce, mon brave ?

ROBERTSON.

Monsieur, y a-t-il un médecin dans ce village ?

LE DOCTEUR.

Oui.

ROBERTSON.

Bon ?…

LE DOCTEUR.

Je serais un juge partial, monsieur, c’est moi.

ROBERTSON.

Et vous êtes le seul ?

LE DOCTEUR.

Oui, monsieur.

ROBERTSON.

Ayez la bonté de m’ouvrir la porte.

LE DOCTEUR.

Je vais appeler.

UNE VOIX DE FEMME.

Oh ! non, non, monsieur, n’appelez personne… ouvrez vous-même.

LE DOCTEUR.

J’y vais… — (Il ouvre et recule.) Un homme masqué !…


Scène III.

LE DOCTEUR, ROBERTSON, masqué.
LE DOCTEUR.

Que me voulez-vous ?

ROBERTSON.

Silence, et ne craignez rien.

LE DOCTEUR.

Cependant, monsieur…

ROBERTSON.

Docteur, votre état est-il de secourir ceux qui souffrent ?

LE DOCTEUR.

C’est plus que mon état, c’est mon devoir.

ROBERTSON.

Lorsque ces secours sont instants, lorsque tout retard amènerait la mort d’une créature de Dieu, croyez-vous avoir besoin, pour la sauver, de connaître son nom ou de voir son visage ?

LE DOCTEUR.

Non, monsieur…

ROBERTSON.

Eh bien ! il y a une personne là, dans cette voiture, une personne qui souffre, qui a besoin de vous, qui mourra si vous ne lui portez secours à l’instant même.

LE DOCTEUR.

Mais ne puis-je savoir à qui…

ROBERTSON.

Je vous le répète, monsieur, dix minutes vous restent à peine, et il me faudrait plus d’une heure pour vous donner des explications auxquelles, je vous jure, vous ne prendriez aucun intérêt, tant elles me sont personnelles.

LE DOCTEUR.

Je suis prêt.

ROBERTSON.

Une question encore, monsieur : si cette personne ne pouvait repartir aussitôt qu’elle aura reçu vos soins, consentiriez-vous, au nom de l’humanité, à la cacher chez vous à tous les yeux, moi vous jurant sur l’honneur qu’aucune cause politique ne nous force à nous entourer de ce mystère ?

LE DOCTEUR.

Oui, monsieur, je le ferais.

ROBERTSON.

Êtes-vous marié, docteur ?

LE DOCTEUR.

Pourquoi cette question ?

ROBERTSON, lui tendant la main.

Pour savoir si votre femme est aussi excellente femme que vous êtes brave homme.