Page:Dumas - Œuvres - 1838, vol.2.djvu/285

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LE DOCTEUR.

Je le crois.

ROBERTSON.

Eh bien ! ayez la bonté de rappeler, je vous prie ; ses soins nous seront nécessaires : la personne qui les réclame est du même sexe qu’elle.

LE DOCTEUR.

Je vais le faire.

ROBERTSON.

Merci. — (Posant un rouleau d’or sur la table.) Voici, non pas pour m’acquitter envers vous, tout l’or du roi Georges n’y suffirait pas, mais pour vous indemniser autant qu’il est en mon pouvoir du moins, du dérangement que je vous cause.

LE POSTILLON, de la porte.

La jeune dame vous appelle, monsieur.

ROBERTSON.

Me voici, me voici.

(Il sort.)
LE DOCTEUR, frappant à la porte de sa femme.

Anna ! Anna !

ANNA, de sa chambre.

Qu’est-ce donc que tout ce bruit ?

LE DOCTEUR.

Des voyageurs qui ont besoin de nos secours à tous deux ; viens donc vite, puisque tu n’es pas couchée.


Scène IV.

Les précédents ; ANNA, CAROLINE.
(Anna sort de sa chambre au moment où Robertson apporte dans ses bras une jeune femme qu’il pose sur une chaise longue.)
ANNA, effrayée par le masque de Robertson.

Oh ! vois donc.

LE DOCTEUR.

Silence !

ROBERTSON., à Caroline.

Souffres-tu toujours, mon ange ?

CAROLINE.

Oh ! oui, beaucoup, beaucoup.

ROBERTSON.

Docteur !…

LE DOCTEUR, s’approchant, et tâtant le pouls de la malade.

Monsieur, cette jeune femme est sur le point d’accoucher.

ROBERTSON.

Et il serait imprudent d’aller plus loin, n’est-ce pas ?

LE DOCTEUR.

Impossible.

CAROLINE., à Anna.

Vous aurez donc soin de moi, madame ?

ANNA, lui prenant les mains.

Comme de ma sœur.

CAROLINE.

Oh ! que vous êtes bonne ! — (Elle appuie sa tête sur les mains d’Anna.) Je souffre bien.

LE DOCTEUR.

Anna, cède ta chambre à madame et va tout y préparer. Hâte-toi.

ANNA.

Dois-je réveiller Alix ?

ROBERTSON.

Qu’est-ce qu’Alix ?

LE DOCTEUR.

Notre servante… Mais elle a le défaut d’être un peu bavarde, et cela ne nous conviendrait point, n’est-ce pas ?

ROBERTSON.

Oh ! non, non ; madame, vous aurez plus de peine, mais aussi nous vous devrons plus que la vie.

CAROLINE.

Et Dieu vous récompensera, mistress.

(Anna sort.)
ROBERTSON.

Caroline, je vais donner l’ordre au postillon de déposer ici nos malles, nos paquets.

CAROLINE.

Oh ! non, non, ne me quitte pas ; je tremble dès que tu me quittes un instant.

ROBERTSON.

Docteur, auriez-vous la bonté ?… Pardon, mille fois.

LE DOCTEUR.

Mais sans doute.

(Il va à la porte.)
CAROLINE.

Ils ont l’air d’être de braves gens.

ROBERTSON.

Oui, sans doute. Mais quelle malédiction, n’avoir plus que six lieues à faire pour arriver au port de mer où tout était préparé pour notre fuite, et nous trouver arrêtés ici dans ce misérable petit bourg, où tu ne trouveras peut-être ni les soins ni le talent nécessaires ! Oh ! nous sommes bien misérables !

CAROLINE.

Je souffre moins, Robertson, je souffre moins.

ROBERTSON.

Tu souffres moins… eh bien ! peut-être pourrions-nous repartir ?

CAROLINE.

Oh ! non, non… Mais ici tu peux ôter ton masque ?