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DA SYLVA.

Eh bien ! monsieur, ma fille à l’instant.

LE DOCTEUR.

Vous la verrez, monsieur, je ne puis m’y opposer, mais je ne puis consentir à ce que vous l’emmeniez.

DA SYLVA.

Et qui m’en empêchera, quand le roi et la loi le veulent ?

LE DOCTEUR.

Moi, monsieur, qui en cette occasion suis plus puissant que la loi et le roi ; moi qui m’y oppose en vertu de mon pouvoir de médecin, et qui déclare qu’il est impossible que cette jeune dame suive en ce moment qui que ce soit, même son père.

DA SYLVA.

Pourquoi cela ?

LE DOCTEUR.

Parce qu’il y aurait danger de mort pour elle à le faire, que l’exiger serait un assassinat, et qu’à mon tour je sommerais ces messieurs de me prêter main-forte pour conserver une existence dont, à l’heure qu’il est, je réponds devant Dieu et devant les hommes.

LE CONSTABLE.

Expliquez-vous, docteur.

LE DOCTEUR.

La jeune femme que vous poursuivez vient d’accoucher il y a quelques minutes.

DA SYLVA.

Malédiction sur elle, si tu ne mens pas !… Mais tu mens, tu mens pour la sauver ; avoue-le, et je te pardonne tout.


Scène VI.

Les précédents ; ROBERTSON.
ROBERTSON, entrant vivement.

Docteur ! docteur ! Caroline et son enfant ont besoin de vous… Dieu !

DA SYLVA, le prenant au collet.

Arrête !

ROBERTSON, accablé.

Le marquis !

DA SYLVA.

Misérable ! je te tiens enfin ! Ma fille ?

LE DOCTEUR.

Messieurs, messieurs, chez moi une pareille violence !

DA SYLVA.

Laissez-nous, docteur ! Infâme, réponds-moi !

ROBERTSON.

Prenez garde, monsieur ! le respect et la patience peuvent m’échapper à la fois.

DA SYLVA.

Et alors…

ROBERTSON.

Et alors j’oublierais que vous êtes le père de Caroline…

DA SYLVA.

Puis…

ROBERTSON.

Puis vous êtes encore assez jeune, monsieur, pour que nous croisions le fer, ou que nous échangions une balle.

DA SYLVA.

Un duel ! un duel avec toi ! Oh ! c’est le masque qui te cache le visage qui te donne cette hardiesse de parler ainsi à un homme… Écoute, je sais qui tu es ; finissons.

ROBERTSON.

Damnation !

DA SYLVA.

Ma fille !

LE CONSTABLE, s’approchant.

Monsieur, nous ne pouvons souffrir…

DA SYLVA.

Dis à cet homme de s’éloigner, que c’est librement que tu dis cela, Robertson Fildy.

ROBERTSON.

Fildy ! plus de doute ! Éloignez-vous, messieurs, éloignez-vous, docteur.

DA SYLVA.

Conduis-moi près d’elle.

ROBERTSON.

Votre vue la tuera.

DA SYLVA.

Mieux vaut fille morte que déshonorée, et déshonorée par toi.

ROBERTSON.

Pitié pour elle, et tuez-moi !

DA SYLVA.

Elle est là, n’est-ce pas ?

ROBERTSON.

Oui, mais vous ne pouvez la voir en ce moment.

DA SYLVA.

Je la verrai.

ROBERTSON, devant la porte.

Impossible.

DA SYLVA.

Qui m’en empêchera ?

ROBERTSON.

Moi !

DA SYLVA.

Tu me braves !

ROBERTSON.

Je brave tout pour elle.