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RICHARD DARLINGTON.

DA SYLVA.

Arrière ! ou je dis qui tu es.

ROBERTSON.

Silence ! ou je vous nomme.

DA SYLVA.

Eh bien !

ROBERTSON.

Eh bien ! on saura que la fille du marquis Da Sylva d’Aguavallès est la femme du…

DA SYLVA.

Tais-toi !…

ROBERTSON.

Car elle est ma femme devant Dieu, et l’enfant qui vient de naître est votre petit-fils.

DA SYLVA.

Raison de plus pour que je la voie.

ROBERTSON.

Vous ne la verrez pas.

DA SYLVA.

Tu m’assassineras donc ?

ROBERTSON.

Si c’est un moyen !

DA SYLVA, à haute voix.

Caroline ! Caroline !

CAROLINE, en dehors.

Mon père !

ROBERTSON.

Damnation ! elle l’a entendu ! Silence ! monsieur, silence !…


Scène VII.

Les précédents ; CAROLINE.
CAROLINE, pâle et en désordre, venant tomber aux pieds du marquis.

Mon père ! mon père !…

ANNA, la suivant.

Que faites-vous !… Voulez-vous donc mourir ?

CAROLINE.

Plût au ciel !…

ROBERTSON.

Tout est perdu !

LE DOCTEUR.

Soyez tranquille, je ne la quitte pas.

DA SYLVA.

Levez-vous.

CAROLINE.

Oh ! non, non, je suis bien là… à vos pieds, à vos genoux que j’embrasse…

DA SYLVA.

Fille indigne !…

CAROLINE.

Oui, oui, tout sur moi… tout sur moi, mon père !… car lui n’a eu qu’un tort, c’était de ne pas vouloir que je vous révélasse notre amour.

DA SYLVA.

Elle l’avoue !

CAROLINE.

Et pourquoi ne l’avouerais-je pas, mon père ? Il est si brave et si généreux !

DA SYLVA.

Lui ! lui ! celui-là !

CAROLINE.

Oui, brave et généreux !… Il m’a sauvé la vie, mon père… Il passait là quand je tombai de cette gondole dans la Tamise : il passait là par hasard… Je vous dis que j’avais été sauvée par un étranger que je n’avais pas revu… Je mentais, mon père, je l’ai revu… Mon père, il a sauvé votre fille, mais songez-y…

DA SYLVA.

Mieux valait mourir que devoir la vie à cet homme.

CAROLINE.

Je croyais que vous m’aimiez, mon père !… Quand je le revis, je voulus tout vous dire ; il ne voulut pas, lui. Pourquoi, je l’ignore.

DA SYLVA.

Je le sais, moi.

CAROLINE.

Je l’aimai comme un sauveur : son esprit élevé, sa figure noble, tout fut d’accord pour me perdre. Mon père ! mon père ! pardonnez-nous !

DA SYLVA.

Jamais !

CAROLINE.

Robertson ! Oh ! parle-lui ! implore-le de ton côté… L’intérêt qui s’attache à un proscrit…

DA SYLVA.

Lui, un proscrit ?

CAROLINE.

Oui, oui, voilà pourquoi il se cache, pourquoi ce masque…

DA SYLVA.

Il t’a trompée, enfant !

CAROLINE.

Mais dis-lui donc que non, Robertson ! Dis-lui que tu ne m’as pas trompée !… Oh ! un mot, un mot !

DA SYLVA.

Tu vois qu’il se tait.

CAROLINE.

Robertson, un mot, un seul !

DA SYLVA.

Assez ; suis-moi.

CAROLINE.

Je ne le puis, mon père.

DA SYLVA.

Tu crains donc bien la mort ?