Page:Dumas - Œuvres - 1838, vol.2.djvu/608

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JUAN}}.

Et moi ?…

INÈS.

Vous êtes noble ?

DON JUAN.

Comme l’infant.

INÈS.

Vous êtes brave ?

DON JUAN.

Comme le Cid.

INÈS.

Et vous vous nommez ?

DON JUAN.

Don Juan.

INÈS.

Don Juan, je t’aime !

DON JUAN.

Bien, ma Chimène.

INÈS.

Écoutez, cependant.

DON JUAN.

J’écoute.

INÈS.

Il m’a vendue, il en avait le droit, puisque je m’étais donnée… c’est bien ; mais vous qui m’avez achetée, vous ne saviez sans doute pas que j’avais fait un serment ?

DON JUAN.

Lequel ?

INÈS.

De ne point appartenir à un autre tant qu’il serait vivant… Vous voyez donc bien qu’il faut qu’il meure pour que je puisse être à vous.

DON JUAN, prenant son manteau.

C’est juste ; il mourra.

INÈS, allant à lui avec un dernier doute.

C’est bien vrai, au moins, ce que vous m’avez dit ?

DON JUAN.

Aussi vrai qu’il est au Prado, où je vais le chercher…

INÈS.

Allez donc ! Et amenez-le là… Là, devant cette fenêtre, pour que je sois sûre qu’il m’a trahie… Et, quand il sera là, frappez, et que je le voie tomber, afin que je sois sûre qu’il est mort.

DON JUAN.

Et vous m’attendrez ici ?

INÈS, sonnant.

Maître !

Des glaces, des sorbets… Je soupe chez vous avec ce gentilhomme…

Ou, si mieux vous aimez, prenez la clef et enfermez-moi !…

DON JUAN.

Merci, ma lionne… J’ai confiance en votre parole.


Scène V

II.

INÈS, seule.

Ô Sandoval ! Sandoval !… c’est bien infâme de me traiter ainsi, comme on fait d’une courtisane que l’on donne quand on n’en veut plus… Moi qui habite un palais, me faire venir dans une taverne !

Bien, notre hôte, merci !

Je t’avais fait maître de ma personne, Sandoval, je t’avais confié mon honneur, et voilà ce que tu as fait de ce trésor !… N’importe, ta dernière volonté me sera sacrée, j’acquitterai ta dette, mais pas un de nous trois ne se lèvera demain pour raconter à Madrid le secret de notre triple mort.

Fermez les yeux, sainte mère du Christ, vous qui n’êtes qu’indulgence et charité, car une œuvre de vengeance va s’accomplir.

Fermez les yeux et priez, priez pour moi.

Ces cavaliers orgueilleux, ils croient, parce qu’ils portent une épée au côté, qu’il n’y a qu’eux qui puissent se venger, et que le fer seul donne la mort !… Et, dans cette croyance, ils rient de nous, de nous autres, pauvres femmes, sans défense et sans courage… Et maintenant, Don Juan, viens me prendre, je t’attends. Des pas…

Deux hommes !… Ils viennent de ce côté, ils s’arrêtent sous cette fenêtre.

Ce sont eux. La nuit est si noire, que je ne puis distinguer lequel est Don Luis et lequel est Don Juan… Ils tirent leurs épées !… Ils se battent.

Un cri !… L’un des deux tombe !… Lequel ?… Si c’était Don Juan !… Malheur ! Qui me vengerait de Sandoval ?… On vient… On monte… Don Juan !…


Scène V

III. Don Juan, Inès.

DON JUAN.

Vous êtes libre, Inès !…

INÈS, immobile.

Oui, je l’ai vu tomber.

DON JUAN.

Alors, madame, vous avez vu choir un noble gentilhomme.

INÈS, prenant un flambeau.

C’est bon, je reviens.

DON JUAN, l’