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de moi !



INTERMÈDE


Le théâtre représente l’intérieur du tombeau du comte de Marana.



Scène I.

Don Josès, le mauvais Ange, le Comte de Marana, couché sur un tombeau.

LE MAUVAIS ANGE, à Don Josès, qui est assis sur une des roches supérieures.

Pardon, maître, si je vous ai quitté un instant, mais j’étais impérieusement rappelé à Madrid pour souffler un mauvais conseil à votre frère.

DON JOSÈS, se levant.

C’est bien.

LE MAUVAIS ANGE.

À la manière dont il les suit, ce serait péché que de l’en laisser manquer ; il y a à cette heure deux âmes de plus qui voyagent sur la route de l’enfer avec des passe-ports signés Don Juan.

DON JOSÈS.

Tant mieux, et que la colère de Dieu s’amasse sur sa tête !

LE MAUVAIS ANGE, s’arrêtant.

Vraiment, si Votre Seigneurie n’était si pressée, je lui ferais observer que nous traversons en ce moment une mine d’argent qui n’appartient à personne, et qui attend un pauvre pour en faire un riche.

DON JOSÈS.

Tu sais que ce n’est point cela que je cherche… Marche !

LE MAUVAIS ANGE, descendant quelque escaliers et s’arrêtant de nouveau.

Maître, voilà sur mon honneur un filon de l’or le plus pur. Il fallait que le roi Ferdinand fût bien fou pour envoyer chercher au Mexique ce qu’il pouvait trouver en grattant cette noble terre d’Espagne. De l’or, maître, de l’or ! va dénoncer cette mine à Charles-Quint, et il te fera ministre ; et il te permettra de garder ton chapeau devant lui, et il te pendra au cou un mouton au bout d’une chaîne.

DON JOSÈS.

Je n’ai pas le temps d’être ambitieux… Marche !

LE MAUVAIS ANGE.

Pardon ! Mais, si pressé que vous soyez, permettez que je vous offre ce diamant : regardez son eau, pesez sa lourdeur, et, lorsque vous serez de retour sur la terre, brisez-le en trois morceaux, et, avec chacun d’eux, vous achèterez, si vous voulez, la sultane de Soliman, la maîtresse de François Ier, et la femme de Henri VIII.

DON JOSÈS.

Il n’y avait en ce monde qu’une femme que je désirasse posséder ; elle est morte ou déshonorée, et il faut que je la venge… Marche !

LE MAUVAIS ANGE.

Nous sommes arrivés ; voici les murs du caveau où est enfermé le tombeau de votre père…

DON JOSÈS.

Mais la porte ?

LE MAUVAIS ANGE.

Ah ! La porte, vous m’avez demandé le chemin le plus court ; elle est de l’autre côté.

DON JOSÈS.

Et comment entrerai-je ?

LE MAUVAIS ANGE.

N’est-ce que cela qui vous inquiète ?

Passez, Monseigneur ; quant à moi, je vous attends ici, j’aime autant ne pas me hasarder en terre sainte.


Scène II

. Le mauvais Ange, assis sur la dernière marche de l’escalier, Don Josès, entrant dans le tombeau du Comte.

DON JOSÈS, s’avançant avec respect.

Pardon, mon père, si je descends dans votre tombeau