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petit bâtiment, bon voilier, que je puisse affréter pour huit jours ?

PETER.

J’ai votre affaire. (Appelant.) Georges ! (Un des buveurs habillé en marin se lève, et vient sur le devant de la scène.) Voici un gentleman qui aurait besoin d’un joli sloop pour huit jours, dix jours.

GEORGES.

Pour le temps qu’il voudra, le tout est de s’entendre.

LORD MEWILL.

Mais bon marcheur.

GEORGES.

Oh ! la Reine Elisabeth est connue dans le port, vous pouvez vous informer à qui vous voudrez si elle ne file pas ses huit nœuds à l’heure.

LORD MEWILL.

Et peut-elle remonter jusqu’ici ?

GEORGES.

Je la mènerai où je voudrai. Elle ne tire que trois pieds d’eau… Faites défoncer un tonneau de bière, et je me charge de l’amener dans la chambre.

LORD MEWILL.

Et peut-on la voir ?

GEORGES.

Elle est ancrée à un quart de mille d’ici, voilà tout.

LORD MEWILL.

Eh bien ! allons, et nous causerons d’affaires en route.

GEORGES.

Volontiers, milord. Attendez seulement que j’achève ma bière.

(Il boit, puis sort avec lord Mewill.)



Scène III.

 

Les précédents, moins GEORGES et LORD MEWILL.
PETER.

Et l’autre, pour combien de temps en aura-t-il ?

JOHN.

Pour ses trois bons mois… Six semaines de bouillie… six semaines de panade… ça l’apprendra à se frotter à John Cooks.


Scène IV.

 

Les précédents ; KEAN entrant, il est vêtu en matelot.
KEAN.

Mester Peter Patt !

PETER.

Voilà !… Ah ! c’est vous, Votre Honneur !

KEAN.

En personne… le souper ?

PETER.

On le dresse dans la grande salle.

KEAN.

Et ?

PETER.

Oh ! ce qu’il y a de plus beau, voyez-vous, ce n’est pas trop bon pour Votre Honneur.

KEAN, s’asseyant à la table, en face de celle du constable.

C’est bien ; donne-moi quelque chose à boire en attendant…

PETER.

De l’ale, du porter ?

KEAN.

Me prends-tu pour un Flamand, drôle !… du vin de Champagne.

(Peter sort.)
JOHN.

As-tu entendu ce marin d’eau douce qui prétend que la bière lui déshonorerait le gosier ?

KEAN, à Peter, qui lui apporte son vin.

Et personne n’est arrivé encore ?

PETER.

Personne.

KEAN.

Va donner un coup d’œil au souper… je crois qu’il brûle.

PETER.

J’y vais, Votre Honneur.

(Peter sort.)
JOHN.

Il faut que j’approfondisse ce que c’est que ce farceur-là… Laisse-moi faire un peu, nous allons rire.

DEUXIÈME BUVEUR.

Que vas-tu faire ?

JOHN.

Écoute, s’il avale un seul verre de la bouteille qu’il a devant lui, je ne veux pas m’appeler John Cooks. (S’approchant de Kean d’un air goguenard.) Il paraît qu’il n’y avait pas trop de glaces du côté du pôle, beau baleinier, et que la pêche n’a pas été mauvaise…

KEAN, le regardant.

Qu’est-ce que vous avez donc sur l’œil ?

JOHN.

Et que nous convertissons l’huile en vin de Champagne.

KEAN.

Il fendrait vous mettre quatre sangsues là-dessus, mon brave homme… ça n’est pas beau.

(Kean verse le vin dans son verre.)