Page:Dumas - Œuvres - 1838, vol.2.djvu/97

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heur que je lui devrais, et puis des jours nombreux qui passeraient comme des heures… ah ! voilà pourtant ce qu’un préjugé m’a enlevé… voilà cette société juste qui punit en nous une faute que ni l’un ni l’autre de nous n’a commise… et en échange, que m’a-t-elle donné ? ah ! c’est à faire douter de la bonté céleste !… Dieu !… qu’ai-je entendu ?… du bruit dans cette chambre… c’est un étranger, un homme que je ne connais pas qui l’habite… cette chambre… — (Elle se précipite vers la porte, qu’elle ferme au verrou.) Et j’avais oublié… cette chambre est sombre… Pourquoi donc tremblé-je comme cela ?… — (Elle sonne.) Des chevaux ! des chevaux ! au nom du ciel !… je meurs ici !… — (À la porte de l’escalier.) Quelqu’un ! madame !…


Scène VII.

 

L’HÔTESSE, ADÈLE.
L’HÔTESSE.

(en dehors.) — Voilà ! Voilà ! — (Entrant.) Madame appelle ?

ADÈLE.

Je veux partir… les chevaux sont-ils revenus ?

L’HÔTESSE.

Ils partaient à peine quand madame est arrivée, et je ne les attends que dans deux ou trois heures… madame devrait se reposer.

ADÈLE.

Où ?

L’HÔTESSE.

Dans ce cabinet il y a un lit.

ADÈLE.

Il ne ferme pas, ce cabinet.

L’HÔTESSE.

Les deux portes de cette chambre ferment en dedans.

ADÈLE.

C’est juste. Je puis être sans crainte ici… n’est-ce pas ?

L’HÔTESSE, portant le flambeau dans le cabinet.

Que pourrait craindre madame ?

ADÈLE.

Rien… Je suis folle. — (L’hôtesse sort du cabinet.) Venez, au nom du ciel ! me prévenir… aussitôt que les chevaux seront de retour.

L’HÔTESSE.

Aussitôt, madame.

ADÈLE, entrant dans le cabinet.

Jamais il n’est arrivé d’accident dans cet hôtel ?

L’HÔTESSE.

Jamais… Si madame veut, je ferai veiller quelqu’un ?

ADÈLE, à l’entrée du cabinet.

Non, non… au fait… pardon… Laissez-moi… — (Elle rentre dans le cabinet et ferme la porte.)

(Antony paraît sur le balcon, derrière la fenêtre, casse un carreau, passe son bras, ouvre l’espagnolette, entre vivement, et va mettre le verrou à la porte par laquelle est sortie L’hôtesse.)
ADÈLE, sortant du cabinet.

Du bruit… un homme… ah !…

ANTONY.

Silence !… — (La prenant dans ses bras et lui mettant un mouchoir sur la bouche.) C’est moi… moi, Antony…

(Il l’entraîne dans le cabinet.)