Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/54

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là, si je n’ai pas retrouvé l’élixir vital, adieu le sage, adieu le savant Althotas ! Ma centième année commence le 13 juillet, à onze heures précises du soir, et d’ici là il faut que mon élixir ait atteint toute sa perfection.

— Mais cela se prépare à merveille, il me semble, cher maître, dit Acharat.

— Sans doute, j’ai déjà fait des essais par absorption ; mon bras gauche, à peu près paralysé, a repris toute son élasticité ; puis je gagne le temps que je mettais à mes repas, puisque je n’ai plus besoin de manger que tous les deux ou trois jours, et que, dans l’intervalle, une cuillerée de mon élixir, tout imparfait qu’il est encore, me soutient. Oh ! quand je pense qu’il ne me faut probablement qu’une plante, qu’une feuille de cette plante pour que mon élixir soit complet ! que nous avons peut-être déjà passé cent fois, cinq cents fois, mille fois près de cette plante, que nous l’avons peut-être foulée aux pieds de nos chevaux, sous les roue de notre voiture, Acharat, cette plante dont parle Pline, et que les savants n’ont pas retrouvée ou n’ont pas reconnue, car rien ne se perd ! Tenez il faudra que vous demandiez son nom à Lorenza pendant une de ses extases, n’est-ce pas ?

— Oui, maître, soyez tranquille, je le lui demanderai.

— En attendant, dit le savant avec un profond soupir, voilà encore pour cette fois mon élixir manqué, et il me faut trois fois quinze jours pour arriver où j’en étais aujourd’hui, vous le savez bien. Prenez-y garde, Acharat, vous perdrez au moins autant que moi le jour où je perdrai la vie. Mais quel est donc ce bruit ? La voiture roule-t-elle ?

— Non, maître, c’est le tonnerre.

— Le tonnerre ?

— Oui, qui a même failli nous tuer tout à l’heure, tous tant que nous sommes, et moi particulièrement ; il est vrai que j’étais habillé de soie, ce qui m’a garanti.

— Eh bien, voilà, dit le vieillard en frappant sur son genou qui résonna comme un os vide, voilà à quoi m’exposent vos enfantillages, Acharat : à mourir par le tonnerre, à être tué bêtement par une flamme électrique que je forcerais, si j’avais