Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/55

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le temps, à descendre dans mon fourneau pour faire bouillir ma marmite ; ce n’est donc pas assez d’être exposé à tous les accidents provenant de la maladresse ou de la méchanceté des hommes, il faut que vous m’exposiez encore à ceux qui viennent du ciel, à ceux qui sont les plus faciles à prévenir ?

— Pardon, maître, mais vous ne m’avez pas encore expliqué…

— Comment ! je ne vous ai pas développé mon système des pointes, mon cerf-volant conducteur ? Quand j’aurai trouvé mon élixir, je vous le redirai encore ; mais dans ce moment-ci, vous comprenez, je n’ai pas le temps.

— Ainsi, vous croyez qu’on peut maîtriser la foudre ?

— Non seulement on peut la maîtriser, mais la conduire où l’on veut. Un jour, un jour, quand ma seconde cinquantaine sera passée, quand je n’aurai plus qu’à attendre tranquillement la troisième, je mettrai au tonnerre une bride d’acier, et je le conduirai aussi facilement que vous conduisez Djérid. En attendant, faites mettre une mitre à ma cheminée, Acharat, je vous en supplie.

— Je le ferai, soyez tranquille.

— Je le ferai ! je le ferai ! toujours l’avenir, comme si l’avenir était à nous deux. Oh ! je ne serai jamais compris ! s’écria le savant s’agitant sur son fauteuil et se tordant les bras de désespoir. Soyez tranquille !… Il me dit d’être tranquille, et dans trois mois, si je n’ai point parachevé mon élixir, tout sera fini pour moi. Mais aussi que je passe ma seconde cinquantaine, que je retrouve ma jeunesse, l’élasticité de mes membres, la faculté de me mouvoir, et alors je n’aurai plus besoin de personne, on ne me dira plus : « Je ferai » ; c’est moi qui dirai : « J’ai fait ! »

— Pouvez-vous enfin dire cela à propos de notre grande œuvre ? y avez vous pensé ?

— Oh ! mon Dieu, oui, et si j’étais aussi sûr de trouver mon élixir que je suis sûr de faire le diamant…

— Vous en êtes donc bien réellement sûr, maître ?

— Sans doute, puisque j’en ai fait déjà.

— Vous en avez fait ?