Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 1.djvu/79

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votre regard s’arrête sur ma salière ; vous l’admirez, c’est de bon goût ; c’est poli ; car vous tombez sur la seule chose qui soit présentable ici. Monsieur, je vous remercie, et de tout mon cœur ; mais non, je me trompe. J’ai encore quelque chose de précieux, par ma foi ! et c’est ma fille.

— Mademoiselle Andrée ? dit Balsamo.

— Ma foi, oui, mademoiselle Andrée, dit le baron étonné que son hôte fût si bien instruit, et je veux vous présenter à elle. Andrée ! Andrée ! viens, mon enfant, n’aie pas peur.

— Je n’ai pas peur, mon père, répondit d’une voix douce et sonore à la fois une grande et belle personne qui se présenta à la porte sans embarras et pourtant sans hardiesse.

Joseph Balsamo, quoique profondément maître de lui, comme on a déjà pu le voir, ne put cependant s’empêcher de s’incliner devant cette souveraine beauté.

En effet, Andrée de Taverney, qui venait d’apparaître comme pour dorer et enrichir tout ce qui l’entourait, avait des cheveux d’un blond châtain qui s’éclairaient aux tempes et au cou ; ses yeux noirs, limpides, largement dilatés, regardaient fixement, comme les yeux des aigles. Cependant, la suavité de son regard était inexprimable ; sa bouche vermeille se découpait capricieusement en arc, d’un corail humide et brillant ; d’admirables mains blanches, effilées, d’un dessin antique, s’attachaient à des bras éblouissants de forme et d’éclat ; sa taille, à la fois souple et ferme, semblait celle d’une belle statue païenne, à laquelle un prodige eût donné la vie ; son pied, dont la cambrure eût été remarquable près de celui de Diane chasseresse, semblait ne pouvoir porter le poids de son corps que par un miracle d’équilibre ; enfin sa mise, quoique de la plus grande simplicité, était d’un goût si parfait et si bien approprié à tout l’ensemble de sa personne, qu’un habillement complet tiré de la garde-robe de la reine eût peut-être, au premier abord, semblé moins élégant et moins riche que son simple vêtement.

Tous ces détails merveilleux frappèrent au premier coup d’œil Balsamo ; il avait tout vu, tout remarqué, au moment où mademoiselle de Taverney était entrée dans la salle à