Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Depuis quarante ans, sire, il est bien rare que je m’en sois éloigné pour autre chose que pour le service de Votre Majesté.

Le roi s’arrêta en face du maréchal.

— Voyons, dit-il, vous me voulez quelque chose, n’est-ce pas ?

— Moi, sire ? fit Richelieu souriant ; eh ! quoi donc ?

— Mais vous me poursuivez, duc, morbleu ! je m’en aperçois bien, ce me semble.

— Oui, sire, de mon amour et de mon respect ; merci, sire.

— Oh ! vous faites semblant de ne pas m’entendre ; mais vous me comprenez à merveille. Eh bien, moi, sachez-le, monsieur le maréchal, je n’ai rien à vous dire.

— Rien, sire ?

— Absolument rien.


Richelieu s’arma d’une profonde indifférence.

— Sire, dit-il, j’ai toujours eu le bonheur de me dire, en mon âme et conscience, que mon assiduité près du roi était désintéressée : un grand point, sire, depuis ces quarante ans dont je parlais à Votre Majesté ; aussi, les envieux ne diront pas que jamais le roi m’ait accordé quelque chose. Là-dessus, heureusement, ma réputation est faite.

— Eh ! duc, demandez pour vous si vous avez besoin de quelque chose, mais demandez vite.

— Sire, je n’ai absolument besoin de rien, et, pour le présent, je me borne à supplier Votre Majesté…

— De quoi ?

— De vouloir bien admettre à la remercier…

— Qui cela ?

— Sire, quelqu’un qui a une bien grande obligation au roi.

— Mais enfin ?

— Quelqu’un, sire, à qui Votre Majesté à fait l’honneur insigne… Ah ! c’est que quand on a eu l’honneur de s’asseoir à la table de Votre Majesté, lorsqu’on a goûté de cette conversation si délicate, de cette gaieté si charmante, qui fait de Votre