Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/111

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dans un cours public ; or, pour un pauvre garçon jardinier, n’était-ce point une bonne fortune inappréciable que la leçon d’un si grand maître donnée en présence même de la nature ?

— Vous avez, voyez-vous, mon enfant, vous avez ici quatre sortes de terrains, disait M. de Jussieu, et, si je voulais, j’en découvrirais dix autres mêlés à ces quatre principaux. Mais, pour l’apprenti jardinier, la distinction serait un peu subtile. Toujours est-il que le fleuriste doit goûter la terre, comme le jardinier doit goûter les fruits. Vous m’entendez bien, n’est-ce pas, Gilbert ?

— Oui, monsieur, répondit Gilbert, les yeux fixes, la bouche entrouverte, car il avait vu Andrée, et, placé comme il l’était, il pouvait continuer à la regarder sans laisser au professeur le soupçon que sa démonstration n’était pas religieusement écoutée et comprise.

— Pour goûter la terre, dit M. de Jussieu, toujours abusé par l’hiatus de Gilbert, renfermez-en une poignée dans un clayon, versez quelques gouttes d’eau doucement par-dessus, et goûtez cette eau lorsqu’elle sortira filtrée par la terre même en dessous du clayon. Les saveurs salines, ou âcres, ou fades, ou parfumées de certaines essences naturelles s’approprieront à merveille aux sucs des plantes que vous voulez y faire pousser ; car, dans la nature, dit M. Rousseau, votre ancien patron, tout n’est qu’analogie, assimilation, tendance à l’homogénéité.

— Oh ! mon Dieu ! s’écria Gilbert, en étendant les bras devant lui.

— Qu’y a-t-il donc ?

— Elle s’évanouit, monsieur, elle s’évanouit !

— Qui cela ? Êtes-vous fou ?

— Elle, elle !

— Elle ?

— Oui, reprit vivement Gilbert, une dame.

Et son épouvante et sa pâleur l’eussent trahi aussi bien que le mot elle, si M. de Jussieu n’eût pas détourné les yeux de dessus lui, pour suivre la direction de sa main.

En suivant cette direction, M. de Jussieu vit en effet Andrée