Aller au contenu

Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/112

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui s’était traînée derrière une charmille, et qui, arrivée là, était tombée sur un banc, et qui, là, demeurait immobile et près de perdre le dernier souffle de sentiment qui lui restait.

C’était l’heure à laquelle le roi avait l’habitude de faire sa visite à madame la dauphine, et débouchait par le verger, passant du grand au petit Trianon.

Sa Majesté déboucha donc tout à coup.

Elle tenait une pêche vermeille, miracle de précocité, et se demandait, en vrai roi égoïste, s’il ne vaudrait pas beaucoup mieux, pour le bonheur de la France, que cette pêche fût savourée par lui que par madame la dauphine.

L’empressement de M. de Jussieu à courir vers Andrée, que le roi, avec sa vue faible, distinguait à peine et ne reconnaissait pas du tout ; les cris étouffés de Gilbert qui indiquaient la terreur la plus profonde, accélérèrent la marche de Sa Majesté.

— Qu’y a-t-il, qu’y a-t-il ? demanda Louis XV en s’approchant de la charmille, dont il n’était plus séparé que par la largeur d’une allée.

— Le roi ! s’écria M. de Jussieu soutenant dans ses bras la jeune fille.

— Le roi ! murmura Andrée en s’évanouissant tout à fait.

— Mais qui donc est là ? répéta Louis XV ; une femme ? Que lui arrive-t-il, à cette femme ?

— Sire, un évanouissement.

— Ah ! voyons, dit Louis XV.

— Elle est sans connaissance, sire, ajouta M. de Jussieu en montrant la jeune fille étendue raide et immobile sur le banc où il venait de la déposer.

Le roi s’approcha, reconnut Andrée et s’écria en frissonnant :

— Encore !… Oh ! mais c’est épouvantable cela ; quand on a de pareilles maladies, on reste chez soi ; ce n’est pas propre de mourir comme cela toute la journée devant le monde.

Et Louis XV rebroussa chemin pour gagner le pavillon du