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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/129

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D’Aiguillon prit congé avec mille caresses faites à son oncle et rendues par Richelieu. Ce dernier resta seul avec la comtesse devant le guéridon que venait de charger Zamore.

Le vieux maréchal regardait tout ce manège de la favorite en murmurant tout bas :

— Il y a vingt ans, j’eusse regardé la pendule en disant : « Dans une heure, il faut que je sois ministre », et je l’eusse été. Quelle sotte chose que la vie, continua-t-il toujours se parlant à lui-même : pendant la première partie, on met le corps au service de l’esprit ; pendant la seconde, l’esprit, qui seul a survécu, devient le valet du corps : c’est

— Cher maréchal, dit la comtesse interrompant le monologue intérieur de son hôte, maintenant que nous sommes bien amis, et surtout maintenant que nous ne sommes plus que deux, dites-moi pourquoi vous vous êtes donné autant de mal à pousser cette mijaurée dans le lit du roi ?

— Ma foi, comtesse, répondit Richelieu en effleurant sa tasse de chocolat du bout des lèvres, c’est ce que je me demandais à moi-même : je n’en sais rien.


CXL

RETOUR.


M. de Richelieu savait à quoi s’en tenir sur Philippe, et il avait pu sciemment annoncer son retour ; car, le matin, en sortant de Versailles pour se rendre à Luciennes, il l’avait rencontré sur la grand-route, se dirigeant vers Trianon, et il l’avait croisé d’assez près pour avoir remarqué sur son visage tous les symptômes de la tristesse et de l’inquiétude.

Philippe, en effet, oublié à Reims ; Philippe, après avoir passé par tous les degrés de la faveur, puis de l’indifférence et de l’oubli ; Philippe, ennuyé d’abord de recevoir les marques