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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/237

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— Je vous demande le moyen de tout réparer, monsieur le comte, crime et malheur.

— Tu aimes cette jeune fille ?

— Oh ! oui.

— Il y a bien des sortes d’amour. De quel amour l’aimes-tu ?

— Avant de la posséder je l’aimais avec délire ; aujourd’hui je l’aime avec fureur. Je mourrais de douleur si elle me recevait avec colère ; je mourrais de joie si elle me permettait de baiser ses pieds.

— Elle est fille noble, mais elle est pauvre, dit Balsamo réfléchissant.

— Oui.

— Cependant, son frère est un homme de cœur que je crois peu entiché du vain privilège de la noblesse. Qu’arriverait-il si tu demandais à ce frère d’épouser sa sœur ?

— Il me tuerait, répondit froidement Gilbert ; cependant, comme je désire plutôt la mort que je ne la crains, si vous me conseillez de faire cette demande, je la ferai.

Balsamo réfléchit.

— Tu es un homme d’esprit, dit-il, et l’on dirait encore que tu es un homme de cœur, bien que tes actions soient vraiment criminelles, ma complicité à part. Eh bien, va trouver, non pas M. Philippe de Taverney, le fils, mais le baron de Taverney, son père, et dis-lui, dis-lui, entends-tu bien, que le jour où il t’aura permis d’épouser sa fille, tu apporteras une dot à mademoiselle Andrée.

— Je ne puis pas dire cela, monsieur le comte : je n’ai rien.

— Et moi je te dis que tu lui porteras en dot cent mille écus que je te donnerai pour réparer le malheur et le crime, ainsi que tu le disais tout à l’heure.

— Il ne me croira pas, il me sait pauvre.

— Eh bien, s’il ne te croit pas, tu lui montreras ces billets de caisse, et, en les voyant, il ne doutera plus.

En disant ces mots, Balsamo ouvrit le tiroir d’une table, et compta trente billets de caisse de dix mille livres chacun.