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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/259

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— Oh ! oh ! dit-il, voici un garçon qui se marie.

Gilbert ne répondit rien.

— C’est bon, fit le comte en reprenant son attitude indolente, tu es heureux et tu es presque reconnaissant. C’est fort beau. Tu viens me remercier ; c’est du superflu. Garde cela, Gilbert, pour de nouveaux besoins. Les remerciements sont une monnaie de retour qui satisfait beaucoup de gens lorsqu’elle est distribuée avec un sourire. Va, mon ami, va.

Il y avait dans ces paroles et dans le ton que Balsamo avait mis à les prononcer, quelque chose de profondément lugubre et doucereux, qui frappa Gilbert à la fois comme un reproche et comme une révélation.

— Non, dit-il, vous vous trompez, monsieur, je ne me marie pas du tout.

— Oh ! fit le comte… que fais-tu donc alors ?… Que t’est-il arrivé ?

— Il est arrivé qu’on m’a éconduit, répliqua Gilbert.

Le comte se retourna tout à fait.

— Tu t’y es mal pris, mon cher.

— Mais, non pas, monsieur ; je ne crois pas du moins.

— Qui t’a évincé ?

— La demoiselle.

— C’était certain ; pourquoi n’as-tu pas parlé au père ?

— Parce que la fatalité n’a pas voulu.

— Ah ! nous sommes fataliste ?

— Je n’ai pas le moyen d’avoir de la foi.

Balsamo fronça le sourcil, et regarda Gilbert avec une sorte de curiosité.

— Ne parle pas ainsi des choses que tu ne connais pas, dit-il ; chez les hommes faits, c’est de la bêtise ; chez les enfants, c’est de l’outrecuidance. Je te permets d’avoir de l’orgueil, mais non d’être un imbécile ; dis-moi que tu n’as pas le moyen d’être un sot, et je t’approuverai. Au résumé, qu’as-tu fait ?

— Voici. J’ai voulu, comme les poètes, aller songer au lieu d’agir ; j’ai voulu m’aller promener dans des allées où j’avais eu du plaisir à rêver d’amour, et tout à coup la réalité s’est présentée à