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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/263

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bien et de mal, comme une femme ; tu es stoïque et probe sans afféterie ; je ferai de toi un homme très grand ; demeure avec moi. Je te crois capable de reconnaissance ; demeure ici, te dis-je, cet hôtel est un asile sûr ; moi, d’ailleurs, je quitte l’Europe dans quelques mois, je t’emmènerai.

Gilbert écouta.

— Dans quelques mois, dit-il, je ne répondrai pas non, mais aujourd’hui je dois vous dire : « Merci, monsieur le comte, votre proposition est éblouissante pour un malheureux ; toutefois, je la refuse. »

— La vengeance d’un moment ne vaut pas un avenir de cinquante années, peut-être ?

— Monsieur, ma fantaisie ou mon caprice vaut toujours pour moi plus que tout l’univers, au moment où j’ai cette fantaisie ou ce caprice. D’ailleurs, outre la vengeance, j’ai un devoir à remplir.

— Voici tes vingt mille livres, répliqua Balsamo sans hésitation.

Gilbert prit deux billets de caisse, et regardant son bienfaiteur :

— Vous obligez comme un roi ! dit-il.

— Oh ! mieux, j’espère, dit Balsamo ; car je ne demande pas même qu’on me garde un souvenir.

— Bien, mais je suis reconnaissant, comme vous disiez tout à l’heure, et, lorsque ma tâche sera remplie, je vous paierai ces vingt mille livres.

— Comment ?

— En me mettant à votre service autant d’années qu’il en faut à un serviteur pour payer vingt mille livres à son maître.

— Tu es encore cette fois illogique, Gilbert. Tu me disais, il n’y a qu’un moment : « Je vous demande vingt mille livres, que vous me devez. »

— C’est vrai, mais vous m’avez gagné le cœur.

— J’en suis aise, dit Balsamo sans aucune expression. Ainsi, tu seras à moi, si je veux.

— Oui.

— Que sais-tu faire ?

— Rien, mais tout est dans moi.