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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/262

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denier le jour où je m’embarquerai ; car, notez bien ceci, monsieur le comte, ce n’est pas pour moi que je demande ; je demande pour la réparation d’une faute que vous m’avez facilitée…

— Ah ! tu es tenace ! dit Balsamo la bouche crispée.

— Parce que j’ai raison. Je vous demande de l’argent pour réparer, vous dis-je, et non pour vivre ou pour me consoler ; pas un sou de ces vingt mille livres n’effleurera ma poche : ils ont leur destination.

— Ton enfant, je vois cela…

— Mon enfant, oui, monsieur, répliqua Gilbert avec un certain orgueil.

— Mais toi ?

— Moi, je suis fort, libre et intelligent ; je vivrai toujours ; je veux vivre !

— Oh ! tu vivras ! Jamais Dieu n’a donné une volonté de cette force à des âmes qui doivent quitter prématurément la terre. Dieu habille chaudement les plantes qui ont besoin de braver de longs hivers ; il donne la cuirasse d’acier aux cœurs qui ont à subir les longues épreuves. Mais tu avais, ce me semble, annoncé deux motifs pour ne pas garder mille livres : la délicatesse d’abord.

— Ensuite la prudence. Le jour où je quitterai la France, force me sera de me cacher… Ce n’est donc pas en allant trouver un capitaine dans un port, en lui remettant de l’argent — car je présume que c’est ainsi qu’on fait —, ce n’est pas, dis-je, en m’allant vendre moi-même que je réussirai à me cacher.

— Alors, tu supposes que je puis t’aider à disparaître.

— Je sais que vous le pouvez.

— Qui te l’a dit ?

— Oh ! vous avez trop de moyens surnaturels à votre disposition pour n’avoir pas aussi l’arsenal tout entier des moyens naturels. Un sorcier n’est jamais si sûr de lui qu’il n’ait quelque bonne porte de salut.

— Gilbert, dit tout à coup Balsamo en étendant la main sur le jeune homme, tu es un esprit aventureux, hardi ; tu es pétri de