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— C’est bien.

Et elle disparut dans une allée de cyprès, les seuls qui eussent conservé intactes leurs feuilles éternelles, parure des tombeaux.


CLVII

L’ENFANT SANS PÈRE.


Le jour de douleur, le jour de honte approchait. Andrée, malgré les visites de plus en plus fréquentes du bon docteur Louis, malgré les soins affectueux et les consolations de Philippe, s’assombrissait d’heure en heure, comme les condamnés que leur dernière heure menace.

Ce frère malheureux trouvait quelquefois Andrée rêveuse et frémissante… Ses yeux étaient secs… Pendant des journées entières, elle ne laissait échapper aucune parole ; puis, tout à coup, se levant, elle faisait deux ou trois tours précipités dans sa chambre, essayant, comme Didon, de s’élancer hors d’elle-même, c’est-à-dire hors de la douleur qui la tuait.

Un soir enfin, la voyant plus pâle, plus inquiète, plus nerveuse que de coutume, Philippe envoya chercher le docteur, pour qu’il arrivât dans la nuit même.

— C’était le 29 novembre. Philippe avait eu l’art de prolonger fort tard la veillée d’Andrée ; il avait abordé avec elle les sujets de conversation les plus tristes, les plus intimes, ceux même que la jeune fille redoutait, comme le blessé redoute les approches d’une main brutale et lourde pour sa blessure.

Il était assis auprès du feu ; la servante, en allant à Versailles chercher le docteur, avait oublié de fermer les persiennes, en sorte que le reflet de la lampe, celui du feu même, éclairait doucement le tapis de neige jeté sur le sable du jardin par les premiers froids de l’hiver.