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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/274

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Philippe laissa venir le moment où l’esprit d’Andrée commençait à se tranquilliser, puis, sans préambule :

— Chère sœur, dit-il, avez-vous enfin pris votre résolution ?

— À quel sujet ? répondit Andrée avec un douloureux soupir.

— Au sujet… de votre enfant, ma sœur.

Andrée tressaillit.

— Le moment approche, continua Philippe.

— Mon Dieu !

— Et je ne serais pas surpris que demain…

— Demain ?

— Aujourd’hui même, chère sœur.

Andrée devint si pâle, que Philippe, effrayé, lui prit et lui baisa la main.

Andrée se remit aussitôt.

— Mon frère, dit-elle, je n’aurai pas avec vous de ces hypocrisies qui déshonorent les âmes vulgaires. Le préjugé du bien est chez moi confondu avec le préjugé du mal. Ce qui est mal, je ne le connais plus depuis que je me défie de ce qui est le bien. Ainsi, ne me jugez pas plus rigoureusement qu’on ne juge une folle, à moins que vous ne préfériez prendre au sérieux la philosophie que je vais vous esquisser, et qui, je vous jure, est l’expression parfaite, unique de mes sentiments, comme le résumé de mes sensations.

— Quoi que vous disiez, Andrée, quoi que vous fassiez, vous serez toujours pour moi la plus chérie, la plus respectée des femmes.

— Merci, mon seul ami. J’ose dire que je ne suis pas indigne de ce que vous me promettez. Je suis mère, Philippe ; mais Dieu a voulu, je le crois du moins, ajouta-t-elle en rougissant, que la maternité fût, chez la créature, un état analogue à celui de la fructification chez la plante. Le fruit ne vient qu’après la fleur. Pendant la floraison, la plante s’est préparée, transformée ; car la floraison, à mon sens, c’est l’amour.

— Vous avez raison, Andrée.