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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/292

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Muets et attentifs, sans être hébétés ni immobiles comme d’autres paysans, les enfants se levèrent, et, regardant l’étranger dans les yeux, ils le conduisirent, se tenant par la main, jusqu’à une chaumière assez grande, d’assez bonne apparence, et située sur le bord du ruisseau qui longeait la plupart des maisons du village.

Ce ruisseau coulait ses eaux limpides et un peu grossies par les premières fontes de neige. Un pont de bois, c’est-à-dire une grosse planche, joignait la route aux degrés de terre qui conduisaient à la maison.

L’un des enfants, ses guides, montra de la tête à Gilbert que là demeurait Madeleine Pitou.

— Là ? répéta Gilbert.

L’enfant baissa le menton sans articuler un mot.

— Madeleine Pitou ? demanda encore une fois Gilbert à l’enfant.

Et celui-ci ayant réitéré sa muette affirmation, Gilbert franchit le petit pont et vint pousser la porte de la chaumière, tandis que les enfants, qui s’étaient repris la main, regardaient de toutes leurs forces ce que venait faire chez Madeleine ce beau monsieur en habit brun, avec des souliers à boucles.

Du reste, Gilbert n’avait encore aperçu dans le village d’autres créatures vivantes que ces enfants. Haramont était bien réellement le désert tant souhaité.

Aussitôt que la porte eut été ouverte, un spectacle plein de charme pour tout le monde en général, et pour un apprenti philosophe en particulier, frappa les regards de Gilbert.

Une robuste paysanne allaitait un bel enfant de quelques mois, tandis qu’agenouillé devant elle un autre enfant, vigoureux gars de quatre à cinq ans, faisait à haute voix une prière.

Dans un coin de la cheminée, près d’une fenêtre, ou plutôt d’un trou percé dans la muraille et fermé par une vitre, une autre paysanne de trente-cinq à trente-six ans filait du lin, son rouet à droite d’elle, un tabouret de bois sous ses pieds, un bon gros chien caniche sur ce tabouret.