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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/293

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Le chien, apercevant Gilbert, aboya d’une façon assez hospitalière et civile, tout juste ce qu’il fallait pour témoigner de sa vigilance. L’enfant en prière se retourna, coupant la phrase du Pater ; et les deux femmes poussèrent une sorte d’exclamation qui tenait le milieu entre la surprise et la joie.

Gilbert commença par sourire à la nourrice.

— Bonne dame Madeleine, dit-il, je vous salue.

La paysanne fit un bond.

— Monsieur sait mon nom ? dit-elle.

— Comme vous voyez ; mais ne vous interrompez pas, je vous prie. En effet, au lieu d’un nourrisson que vous avez, vous allez en avoir deux.

Et il déposa sur le berceau grossier de l’enfant campagnard le petit enfant citadin qu’il avait apporté.

— Oh ! qu’il est mignon ! s’écria la paysanne qui filait.

— Oui, sœur Angélique, bien mignon, dit Madeleine.

— Madame est votre sœur ? demanda Gilbert en désignant la fileuse.

— Ma sœur, oui, monsieur, répliqua Madeleine ; la sœur de mon homme.

— Oui, ma tante, ma tante Gélique, murmura d’une voix de basse-taille le marmot, qui se mêlait à la conversation sans s’être relevé.

— Tais-toi, Ange, tais-toi, dit la mère ; tu interromps monsieur.

— Ce que j’ai à vous proposer est bien simple, bonne dame. L’enfant que voici est fils d’un fermier de mon maître… un fermier ruiné… mon maître, parrain de cet enfant, veut qu’il soit élevé à la campagne, et qu’il devienne un bon laboureur… bonne santé… bonnes mœurs… Voulez-vous vous charger de cet enfant ?

— Mais, monsieur…

— Il est né hier, et n’a pas encore eu de nourrice, interrompit Gilbert. D’ailleurs, c’est le nourrisson dont a dû vous parler maître Niquet, tabellion à Villers-Cotterêts.

Madeleine saisit aussitôt l’enfant et lui donna le sein