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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/311

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Cela dit, sans s’attendrir elle-même, Andrée acheva ses préparatifs de voyage, et le soir, à six heures, elle franchissait, sans oser lever la tête, le guichet du parloir de Saint-Denis, aux grilles duquel Philippe, incapable de maîtriser son émotion, disait lui-même un adieu peut-être éternel.

Tout à coup, la force abandonna la pauvre Andrée, elle revint à son frère en courant, les bras ouverts ; lui aussi tendait ses bras vers elle. Ils se rencontrèrent, malgré le froid obstacle de la grille, et sur leurs joues brûlantes leurs larmes se confondirent.

— Adieu ! adieu ! murmura Andrée, dont la douleur éclata en sanglots.

— Adieu ! répondit Philippe, étouffant son désespoir.

— Si tu retrouves jamais mon fils, dit Andrée tout bas, ne permets pas que je meure sans l’avoir embrassé.

— Sois tranquille. Adieu ! adieu !

Andrée s’arracha des bras de son frère, et, soutenue par une sœur converse, elle s’avança, le regardant toujours, dans l’ombre profonde du monastère.

Tant qu’il put la voir, il lui fit signe de la tête, puis avec son mouchoir qu’il agitait. Enfin, il recueillit un dernier adieu qu’elle lui lança du fond de la route obscure. Alors une porte de fer tomba entre eux avec un bruit lugubre, et ce fut tout.

Philippe prit la poste à Saint-Denis même ; son portemanteau en croupe, il courut toute la nuit, tout le jour suivant, et arriva au Havre à la nuit de ce lendemain. Il coucha dans la première hôtellerie qui se trouva sur son passage, et le lendemain, au point du jour, il s’informait sur le port des départs les plus prochains pour l’Amérique.

Il lui fut répondu que le brick l’Adonis appareillait le jour même pour New York. Philippe alla trouver le capitaine qui terminait ses derniers préparatifs, se fit admettre comme passager en payant le prix de la traversée ; puis, ayant écrit une dernière fois à madame la dauphine pour lui témoigner de son dévouement respectueux et de sa reconnaissance, il envoya ses bagages dans sa chambre à bord, et s’embarqua lui-même à l’heure de la marée.