Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/66

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— La signora ? dit-il.

— Eh bien, maître ? demanda Fritz, comprenant à l’agitation de Balsamo qu’il se passait quelque chose d’extraordinaire.

— L’as-tu vue ?

— Non, maître.

— Elle n’est pas sortie ?

— D’où cela ?

— Mais, de la maison.

— Personne n’est sorti que la comtesse, derrière laquelle je viens de fermer la porte.

Balsamo remonta comme un fou. Il se figura alors que la folle jeune femme, si différente dans le sommeil de ce qu’elle était dans la veille, avait eu son moment d’espièglerie enfantine ; qu’elle lisait, de quelque coin où elle était cachée, son effroi dans son cœur, et qu’elle se divertissait à l’épouvanter, pour le rassurer ensuite.

Alors commença une recherche minutieuse.

Pas un coin ne fut épargné, pas une armoire oubliée, pas un paravent laissé en place. Il y avait, dans cette recherche de Balsamo, quelque chose de l’homme aveuglé par la passion, du fou qui ne voit plus, de l’homme ivre qui chancelle. Il n’avait plus de force que pour ouvrir les deux bras et pour crier : « Lorenza ! Lorenza ! » espérant que cette adorée créature viendrait s’y précipiter tout à coup avec un grand cri de joie.

Mais le silence seul, un morne et obstiné silence répondit seul à sa pensée extravagante et à son appel insensé.

Courir, remuer les meubles, parler aux murs, appeler Lorenza, regarder sans voir, écouter sans entendre, palpiter sans vivre, tressaillir sans penser, voilà l’état dans lequel Balsamo passa trois minutes, c’est-à-dire trois siècles d’agonie.

II sortit de cet état d’hallucination à moitié fou, trempa sa main dans un vase d’eau glacée, s’en mouilla les tempes ; puis, comprimant une de ses mains avec l’autre, comme pour se forcer à l’immobilité, il chassa, par la volonté, le bruit importun de ce battement du sang contre le crâne, bruit fatal,