Aller au contenu

Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Maître, dit-il en cherchant un point solide où s’appuyer, et en essayant de dilater sa poitrine, maître, vous ne pouvez vivre ici ; on n’y respire point.

— Tu trouves ?

— Oh !

— J’y respire cependant fort bien, moi ! répondit Althotas avec enjouement, et j’y vis, comme tu vois.

— Maître, maître, dit Balsamo de plus en plus étourdi, faites-y attention, et laissez-moi ouvrir une fenêtre ; il monte de ce parquet comme une vapeur de sang.

— De sang ! Ah ! tu trouves ?… de sang ! s’écria Althotas en éclatant de rire.

— Oh ! oui, oui, je sens les miasmes qui s’exhalent d’un corps fraîchement tué ! je les pèserais, tant ils sont lourds à mon cerveau et à mon cœur.

— C’est cela, dit le vieillard avec son rire ironique, je m’en suis déjà aperçu ; tu as un cœur tendre et un cerveau très fragile, Acharat.

— Maître, dit Balsamo en étendant le doigt vers le vieillard ; maître, vous avez du sang sur vos mains ; maître, il y a du sang sur cette table ; maître, il y a du sang partout, jusque dans vos yeux, qui luisent comme deux flammes ; maître, cette odeur qu’on respire ici, cette odeur qui me donne le vertige, cette odeur qui m’étouffe, c’est l’odeur du sang.

— Eh bien, après ? dit tranquillement Althotas, la sens-tu donc pour la première fois cette odeur ?

— Non.

— Ne m’as-tu jamais vu faire mes expériences ? N’en as-tu jamais fait toi-même ?

— Mais, du sang humain ! dit Balsamo passant sa main sur son front ruisselant de sueur.

— Ah ! tu as l’odorat subtil, dit Althotas. Eh bien, je n’aurais pas cru que l’on pût reconnaître le sang de l’homme du sang d’un animal quelconque.

— Le sang de l’homme ! murmura Balsamo.

Et comme, tout chancelant, il cherchait, pour se retenir, quelque saillie de meuble, il aperçut avec horreur un vaste