Aller au contenu

Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

élixir, dans le sang que tu me refusais et que j’ai dû, à ton refus, me procurer moi-même.

— Mais ces cheveux, cette tresse, ce ruban, où les avez-vous pris ? ce n’est point là la coiffure d’un enfant.

— Et qui t’a dit que ce fût un enfant que j’ai égorgé ? demanda tranquillement Althotas.

— Ne vous fallait-il pas, pour votre élixir, le sang d’un enfant ? s’écria Balsamo. Voyons, ne m’avez-vous pas dit cela ?

— Ou d’une vierge, Acharat, ou d’une vierge.

Et Althotas allongea sa main amaigrie sur le bras du fauteuil, et y prit une fiole dont il savoura le contenu avec délices. Puis, de son ton le plus naturel, et avec son accent le plus affectueux :

— C’est bien à toi, dit-il, Acharat, tu as été sage et prévoyant en plaçant là cette femme sous mon plancher, presque à la portée de ma main : l’humanité n’a pas à se plaindre, la loi n’a rien à reprendre. Eh ! eh ! ce n’est pas toi qui m’as livré la vierge sans laquelle j’allais mourir : non c’est moi qui l’ai prise. Eh ! eh ! merci, mon cher élève, merci, mon petit Acharat.

Et il approcha encore une fois la fiole de ses lèvres.

Balsamo laissa tomber la mèche de cheveux qu’il tenait ; une horrible lumière venait d’éblouir en face de lui, la table du vieillard, cette immense table de marbre, toujours remplie de plantes, de livres, de fioles ; devant lui cette table était recouverte d’un long drap de damas blanc à fleurs sombres, sur lequel la lampe d’Althotas envoyait sa rougeâtre lueur et dessinait de sinistres formes que Balsamo n’avait pas encore remarquées.

Balsamo prit un des coins du drap et le tira violemment à lui.

Mais alors, ses cheveux se hérissèrent, sa bouche ouverte ne put laisser échapper l’horrible cri étouffé au fond de sa gorge.

Il venait, sous ce linceul, d’apercevoir le cadavre de Lorenza, de