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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/77

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de sonnette que, dans sa terreur et son impatience, il continuait d’agiter convulsivement, Fritz l’attendait.

À la vue de son maître, il poussa un cri de satisfaction d’abord, puis un second cri de surprise et d’épouvante.

Mais Balsamo, ignorant la cause de ce double cri, ne répondit que par une muette interrogation.

Fritz ne dit rien, mais il se hasarda, lui, si respectueux d’ordinaire, à prendre son maître par la main et à le conduire devant le grand miroir de Venise qui garnissait le dessus de la cheminée par laquelle on passait dans la chambre de Lorenza.

— Oh ! voyez, Excellence, dit-il, en lui indiquant sa propre image dans le cristal.

Balsamo frémit.

Puis un sourire, un de ces sourires qui sont fils d’une douleur infinie et inguérissable, un sourire mortel passa sur ses lèvres.

En effet, il avait compris l’épouvante de Fritz.

Balsamo avait vieilli de vingt ans en une heure ; plus d’éclat dans les yeux, plus de sang sous la peau, une expression de stupeur et d’inintelligence répandue sur tous ses traits, une écume sanglante frangeant ses lèvres, une large tache de sang sur la batiste si blanche de sa chemise.

Balsamo se regarda lui-même un instant sans pouvoir se reconnaître, puis il plongea résolument ses yeux dans les yeux du personnage étrange que reflétait le miroir.

— Oui, Fritz, oui, dit-il, tu as raison.

Puis, remarquant l’air inquiet du fidèle serviteur :

— Mais pourquoi m’appelais-tu donc ? lui demanda-t-il.

— Oh ! maître, pour eux.

— Eux ?

— Oui.

— Eux ! qui cela ?

— Excellence, murmura Fritz en approchant sa bouche de l’oreille de Balsamo, eux, les cinq maîtres.

Balsamo tressaillit.

— Tous ? demanda-t-il.

— Oui, tous.