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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/89

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Puis il attendait, réunissant, pour écouter ses forces défaillantes de plus en plus.

— Ah ! tu ne reviens pas, continuait-il ; ah ! tu crois que je mourrai ainsi ; tu crois que tout t’appartiendra par ce meurtre, car c’est toi qui me tues. Insensé, quand bien même tu saurais lire les manuscrits que mes yeux seuls ont pu déchiffrer ; quand même pour une vie, deux fois, trois fois centenaire, l’esprit te donnerait ma science, l’usage enfin de tous ces matériaux recueillis par moi, eh bien, non, cent fois non, tu n’hériterais pas encore de moi : arrête-toi, Acharat ; Acharat, reviens, reviens un moment, ne fût-ce que pour assister à la ruine de toute cette maison, ne fût-ce que pour contempler ce beau spectacle que je te prépare. Acharat ! Acharat ! Acharat !

Rien ne lui répondait, car, pendant ce temps, Balsamo répondait à l’accusation des maîtres en leur montrant le corps de Lorenza assassinée ; et les cris du vieillard abandonné devenaient de plus en plus perçants, et le désespoir doublait ses forces, et ses rauques hurlements s’engouffrant dans les corridors allaient porter au loin l’épouvante, comme font les rugissements du tigre qui a rompu sa chaîne ou faussé les barreaux de sa cage.

— Ah ! tu ne reviens pas ! hurlait Althotas ; ah ! tu me méprises ; ah ! tu comptes sur ma faiblesse ! Eh bien, tu vas voir. Au feu ! au feu ! au feu !

Il articula ces cris avec une telle rage, que Balsamo, débarrassé de ses visiteurs épouvantés, en fut réveillé au fond de sa douleur ; il reprit dans ses bras le corps de Lorenza, remonta l’escalier, déposa le cadavre sur le sofa où, deux heures auparavant, il avait reposé dans le sommeil, et se replaçant sur le plancher mobile, il apparut tout à coup aux yeux d’Althotas.

— Ah ! enfin ! cria le vieillard ivre de joie, tu as peur ! tu as vu que je pouvais me venger : tu es venu, et tu as bien fait de venir, car un moment plus tard, je mettais le feu à cette chambre.