Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/92

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Alors Althotas, lui lançant à travers les flammes qui lui faisaient comme un voile, un regard empreint d’une majesté farouche :

— Oui, tu as raison, dit-il, il y a une chose que je n’avais pas prévue ; je n’avais pas prévu Dieu.

Et, comme si ce mot puissant eût déraciné toute son âme, Athotas se renversa sur son fauteuil ; il avait rendu à Dieu ce dernier soupir qu’il avait espéré soustraire à Dieu.

Balsamo poussa un soupir ; et, sans essayer de rien soustraire au bûcher précieux sur lequel cet autre Zoroastre s’était couché pour mourir, il redescendit près de Lorenza et lâcha le ressort de la trappe qui alla se rajuster au plafond, dérobant à ses yeux l’immense fournaise qui bouillonnait, pareille au cratère d’un volcan.

Pendant toute la nuit, la flamme gronda au-dessus de la tête de Balsamo, comme un ouragan, sans que Balsamo fit rien pour l’éteindre ou pour la fuir, insensible qu’il était à tout danger près du corps insensible de Lorenza ; mais, contre son attente, après avoir tout dévoré, après avoir mis à nu la voûte de brique dont il avait anéanti les précieux ornements, le feu s’éteignit, et Balsamo entendit ses derniers rugissements, qui, pareils à ceux d’Althotas, dégénéraient en plaintes et mouraient en soupirs.


CXXXV

OU L’ON REDESCEND SUR LA TERRE.


M. le duc de Richelieu était dans la chambre à coucher de son hôtel de Versailles, où il prenait son chocolat à la vanille, en compagnie de M. Rafté, lequel lui rendait ses comptes.

Le duc, fort occupé de son visage, qu’il regardait de loin dans une glace, ne prêtait qu’une fort médiocre attention aux calculs plus ou moins exacts de M. son secrétaire.