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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 5.djvu/93

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Tout à coup, un certain bruit de souliers craquant dans l’antichambre, annonça une visite, et le duc expédia promptement le reste de son chocolat en regardant avec inquiétude du côté de la porte.

Il y avait des heures où M. de Richelieu, comme les vieilles coquettes, n’aimait pas à recevoir tout le monde.

Le valet de chambre annonça M. de Taverney.

Le duc allait sans doute répondre par quelque échappatoire qui eût remis à un autre jour, ou du moins à une autre heure, la visite de son ami ; mais aussitôt la porte ouverte, le pétulant vieillard se précipita dans la chambre, tendit, en passant, un bout de doigt au maréchal, et courut s’ensevelir dans une immense bergère qui gémit sous le choc bien plus que sous le poids.

Richelieu vit passer son ami pareil à un de ces hommes fantastiques, à l’existence desquels Hoffmann nous a fait croire depuis. Il entendit la craquement de la bergère, il entendit un soupir énorme, et se retournant vers son hôte :

— Eh ! baron, dit-il, qu’y a-t-il donc de nouveau ? Tu me sembles triste comme la mort.

— Triste, dit Taverney, triste ?

— Pardieu ! ce n’est pas un soupir de joie que tu as poussé là, ce me semble.

Le baron regarda le maréchal d’un air qui voulait dire que tant que Rafté serait là, on n’aurait pas l’explication de ce soupir.

Rafté comprit, sans avoir la peine de se retourner, car lui aussi, comme son maître, regardait parfois dans les glaces.

Ayant compris, il se retira donc discrètement.

Le baron le suivit des yeux, et, comme la porte se refermait derrière lui :

— Ne dis pas triste, duc, fit le baron, dis inquiet, et inquiet mortellement.

— Bah !

— En vérité, s’écria Taverney en joignant les mains, je te conseille de faire l’étonné. Voilà près d’un grand mois que tu me promènes avec des mots vagues tels que ceux-ci : je