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Page:Dumas - La salle d'armes 2 Pascal Bruno, Dumont, 1838.djvu/59

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LA SALLE D’ARMES.

au lieu même où la chose s’était passée, les détails que je viens de décrire, ils lui étaient si présens, quoique vingt ans se fussent écoulés depuis lors, qu’il se rappelait jusqu’aux moindres accidens de cet embarquement nocturne. De ce moment il m’assura qu’un pressentiment de malheur l’avait saisi, qu’il ne pouvait s’arracher de cette plage, et que plusieurs fois l’envie lui prit de rappeler le roi ; mais, pareil à un homme qui rêve, sa bouche s’ouvrait sans laisser échapper aucun son. Il craignait de paraître insensé ; et ce ne fut qu’à une heure du matin, c’est-à-dire deux heures et demie après le départ de la barque, qu’il rentra chez lui avec une tristesse mortelle dans le cœur.

Quant aux aventureux navigateurs, ils s’étaient engagés dans cette large ornière marine qui mène de Toulon à Bastia, et d’abord l’événement parut, aux yeux du roi, démentir la prédiction de nos marins : le vent, au lieu de s’augmenter, tomba peu à peu, et deux heures après le départ la barque se balançait sans reculer ni avancer sur des vagues qui de minute